Portrait En cuisine

Martin Maumet : « Oktobre, c’est mon printemps à moi »

19.10.23

Certains finissent leurs critiques gastronomiques par « Est-ce que j’y retournerais? » Et en ce qui concerne Martin Maumet, autant le dire d’emblée, c’est un OUI, sans réserves. Le jeune cuisinier vient tout récemment d’ouvrir son nouveau restaurant Oktobre, avec des ingrédients nouveaux mais toujours la même attention généreuse.

Martin Maumet @pierrelucetpenato
Thon blanc de ligne - olive - jus corsé & harissa de fenouil

Il nous rejoint en salle, souriant. On s’étonne encore de tant de jeunesse et de tant de maturité. Il nous dit qu’octobre est sa saison préférée, son printemps à lui, un moment rare et riche en produits où il est possible de conjuguer pendant quelques semaines tomates, champignons et courges. Martin a donc choisi ce nom, Oktobre, comme un clin d’oeil à cette saison – la fin de l’été indien et les premiers jours de grisaille – où l’on a envie de s’attabler dans un décor chaleureux et enveloppant. Mais avec un “K” en référence au restaurant qui l’a révélé, Kitchen Galerie Bis et à William Ledeuil avec lequel il était associé jusqu’alors.

Alors, par nouveau il faut s’entendre. On avait rencontré Martin Maumet il y a trois ans, même lieu, même place pratiquement. Déjà, il nous avait bluffé par sa précision, sa maîtrise des bouillons, son sens de l’accueil, de sa relation aux clients et sa volonté d’être aux commandes de son propre restaurant, d’être chef d’entreprise. C’était déjà très clair dans sa tête. Le rêve aujourd’hui a pris forme. Alors, finalement, en trois ans, rien et tout à changé.

La métamorphose d’Oktobre

Tout, car Oktobre n’est pas Kitchen Galerie Bis, loin s’en faut. Si les murs et les volumes sont identiques, les espaces ont été entièrement transformés par l’agence Bateaumagne sous le regard attentif de Martin, qui, sur la déco aussi, a des idées bien précises. « Je ne pouvais pas ouvrir mon restaurant dans l’esthétique de William (Ledeuil). Il fallait que je m’éloigne de son univers« , nous dit-il. « Et finalement, je pense qu’on ne pouvait pas plus diverger. » En effet, le fer et le cuir ont laissé place au bois, au tissu et à la céramique et les peintures d’artistes ont été remplacées par des pièces d’artisanat.
Des bouquets de graminées commandés à l’atelier Lamarck ponctuent l’espace, un clin d’oeil cette fois-ci à Rolland Feuillas le célèbre spécialiste des blés anciens et de la farine que nous avions rencontré en son temps à l’occasion du début de sa collaboration avec William Ledeuil. Les murs sont recouverts de papier végétal encadré de carreaux de céramique artisanale du Portugal, les banquettes couvertes de tissu à rayures noires et beiges dissimulent dans leur dossier les meubles de service dans un chêne légèrement fumé. Les bruns côtoient les rouges Sienne, les camaïeux de nuance de bois. On se sent bien dans ce nouveau décor aux couleurs douces de l’été indien.

Ce qui m'importe c'est de donner envie de revenir, fidéliser.

Martin Maumet

Oktobre par l'agence d'architecture Bateaumagne

Une cuisine de sauce et d’assaisonnement

Mais, si tout à changé dans cette nouvelle salle, rien ne semble vraiment avoir changé non plus. Dans l’assiette, Martin est toujours brillant. Il a assimilé la grammaire de William, l’a faite sienne, digérée, amenée ailleurs, dans un langage propre de cuisine française métissée d’ailleurs. Il nous précise : « Je me suis interdit la citronnelle et le lait de coco, toute cette cuisine thaïlandaise trop associée à William. Mais j’y reviendrais peut-être, plus tard. »
Qu’importe la citronnelle et le lait de coco, on retrouve les trois petites entrées qui mettaient déjà en salive, les dentelles de Cucugnan qui ravissent, ces bouillons qui subtilement mélangent herbes et épices. La pêche du jour, un thon tout juste snacké batifole avec l’artichaut, le fenouil, la tomate, dans un jus pimenté aux olives, condiment harissa. La cuisine de Martin est complexe sans être compliquée, toujours lisible, directe, celle d’un chef sûr de la direction qu’il prend pour chacun de ses plats, desserts compris. C’est une cuisine qui se donne du temps, mijotant « sauces et assaisonnements » pour sublimer les plats de façon résolument gourmande.

Une cuisine addictive, faite pour y revenir

« Il fallait que les clients retrouvent la cuisine qu’ils aimaient. Je n’allais pas changer non plus une recette qui marchait » nous dit-il. On donnerait bien volontiers à Martin Maumet toutes les étoiles du monde, mais lui, ce qu’il veut, c’est fidéliser son public, leur donner envie de revenir. Loin des concepts de haute cuisine ou encore de bistronomie, chez lui, on est bien dans un restaurant au plus noble sens du terme, avec un menu entrée, plat et dessert à 39€ ou une carte, pour ceux qui n’aiment pas se faire imposer la quantité. « Ici, quelqu’un peut prendre un menu complet ou un plat simple, c’est la même chose pour moi. Ce qui m’importe c’est de lui donner envie de revenir.  On parle beaucoup des nouveaux restaurants, ce qui est somme toute assez banal » poursuit-il « mais on ne parle guère de ces restaurants qui durent depuis plus de 20 ans et qui sont complets tous les jours » en référence à la Kitchen Gallery de William Ledeuil.

Loin de la starification éphémère, des tatouages et du « showing off », Martin regarde l’horizon, il pense loin, anticipe, pose des bases solides de son édifice étant attentif aux producteurs avec lesquels il travaille, à ses clients – accueillis par Romane Laignel sommelière et directrice de salle – et à ses équipes dont il parle aussi volontiers. Car, lui non plus n’échappe pas à la difficulté de recruter aujourd’hui, notamment en salle. « Les jeunes tout juste sortis de l’école veulent déjà être chef de Partie, mais aussi faire moins d’heures. » Il rigole un peu et rajoute « aussi, ils tombent un peu des nues quand je leur dit qu’on doit aussi ranger les vestiaires et faire le ménage. Ce n’est pas l’idée qu’ils se font du métier »
La chose dite, il nous explique qu’il souhaite que ses équipes aient un jour de coupure en plus des deux jours de fermeture, pour s’organiser dans leurs vies. Car si cuisiner est sa passion – il nous explique que chez lui aussi, le week-end, il cuisine – tenir un restaurant n’est pas une mince affaire post Covid.

Finalement, bien plus que la transmission d’un style, c’est la transmission d’un état d’esprit dont aura hérité Martin Maumet. Le reste, c’est lui, juste lui, une personnalité déjà hors du commun qui s’inscrit dans le temps. En partant, on pense déjà à quand on va revenir, avec qui et pour quelles circonstances. Martin a gagné son pari.

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