Portrait Québec, la Saison des sucres
Pier-Alexis Soulière, le sommelier qui remet l’érablière de l’église au milieu du village
Dernier volet de notre dossier sur la Saison des sucres au Québec, la rencontre avec une personnalité hors norme. Pier-Alexis Soulière, 20 ans à tourner autour de la planète à écumer les grandes Maisons de gastronomie et les championnats de sommellerie, pour revenir dans son village natal et reprendre la très modeste érablière de l’église pour y mettre le sirop d’érable au centre, tel qu’il l’entend lui : un sirop de terroir.
Pier-Alexis pourrait facilement rejoindre la famille de plus en plus nombreuse des « reconvertis », traders, commerciaux, as de la communication ou simples businessman qui ont fait plusieurs fois le tour de la planète avec un portable sur chaque oreille et reviennent au sens de la terre et donc au sens de la vie. Et puis non. Pier-Alexis a bien fait pendant vingt ans le tour de la planète à défendre son métier de sommelier dans les plus grande maisons (« Dinner » de Heston Blumenthal **(Londres), The Modern ** (New-York) ou Manresa Restaurant *** (San Francisco), quand ce n’était pas être nommé en 2021 Meilleur sommelier du Canada et représenter son pays au concours de Meilleur sommelier du Monde à Paris en 2023.
Mais si on le retrouve à 38 ans avec Baby Paul, 8 mois, à arpenter ses terres, celles-ci n’ont pas été choisies au détour des meilleures opportunités, mais tout simplement parce que Saint-Pierre Baptiste, c’est chez lui ! Dans ce village à érables qui approche les 500 habitants, on trouve sa compagne éleveuse de bœufs Black Angus, les anciens magasins généraux fondés par son grand-père et oncle Michel qui poursuit également le travail de cinq générations de producteurs de sirop d’érable.
La commune de Saint-Pierre Baptiste se présente sur son site comme « Municipalité à vocation écologique » et est connue dans tout le Québec pour accueillir aux premiers vrais beaux jours en mai, le bien nommé « Festival des sucres« . C’est précisément là, à côté de la scène repliée, que Pier-Alexis et Baby Paul nous accueillent, entourés de magnifiques érables triés sur le volet par leur propre sélection naturelle !
Pier-Alexis fait partie de ces personnages qui ont emmagasiné une haute dose de philosophie en fréquentant le gotha de la sommellerie et des vignerons, sans compter les chefs de haute volée qui tous, lui ont appris à développer un palais branché en haute tension sur la nature. Alors revenir aux sources n’est pas juste une posture ou un confort de vie, mais la mise à disposition de ses immenses savoir-goûter au service d’une tradition qu’il ne veut pas trahir d’un millilitre. « Je ne suis pas contre l’exploitation plus industrielle des érables, il en faut pour tout le monde et nombreux sont ceux qui pensent que des systèmes d’aspiration pour booster la sortie de l’eau des érables ne change rien. Moi d’abord, je ne sais pas ce que ces systèmes auront pour effet à long terme, mais ce dont je suis certain, c’est que le goût du sirop n’est pas le même. Moins de 2 % des érablières récoltent encore comme moi à la chaudière, moi je fais 500 entailles quand les industriels peuvent aller jusqu’à 200 000 !«
Pier-Alexis tient un discours très proche de celui dont que nous avons longuement évoqué ici à la Commanderie de l’Érable, à la différence, de taille, qu’il est un spécialiste de la vigne et qu’il compare plus aisément le fonctionnement des racines des végétaux qui vont puiser loin dans le sol les nutriments qui leurs sont nécessaires.
Pier Alexis Soulière
Il y a le goût, mais aussi la texture car dans « sirop d’érable », il ne faut pas oublier « sirop ». Et là on s’aperçoit vite que les taux de sucre sont très divers permettant aux industriels de fabriquer un produit plus liquide, moins syrupeux qui vous amène à en consommer davantage si vous voulez bien sentir le goût et le sucre.
Pier-Alexis nous explique un truc simple. « Quand on est enfant ici, on déguste avant tout le sirop d’érable sur un pain brioché ou de mie. On met du sirop dans une assiette et on y ajoute un petit peu de crème. Quand vous trempez votre pain dans le sirop, il doit rester collé sur celui-ci, ne pas couler. C’est ça la bonne texture. » On a testé pour vous et, de fait, on n’a pas retrouvé cet effet, même chez le chef Martin Picard (voir notre article ici).
Plus tard, Pier-Alexis nous amènera en dehors du village pour nous faire goûter un autre truc étrange et unique : de l’eau ! Pas celle que nous connaissons de nos robinets urbains, mais celle qui coule directement d’une source, la même qui abreuve les érables, fraiche et tonique, « magnifique« , dira Pier-Alexis. Et venant de la bouche du grand sommelier qu’il est, on imagine bien ce que l’on ignore encore des subtils détails de ce breuvage unique.
Pour en savoir plus : Pier Alexis Soulière Sélection
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