Une coquette devanture au cœur du quartier Saint-Seurin. Tout est si propre, calme et élégant de l’extérieur que l’on est n’est guère préparé au tournis qui nous saisit à l’intérieur. Car ici, dès la porte franchie, ça fuse, ça pète, ça flambe et ça grésille dans la grande rôtisserie où tournent en boucle, embrochées les unes après les autres, de grasses volailles à dorer.
Devant l’impressionnant mur de bestioles dorées, ça fuse, ça pète, ça flambe et ça grésille tout autant. Mais ce n’est plus de canards, de poules ou de pintades dont il s’agit, mais du patron. Un tout jeune coq de pas même 25 ans qui sait tout faire et surtout bien jacter. On dit qu’il saurait même vendre de la viande à un végétarien. Augustin Jallon, plus connu sous le nom d’Augustin, possède pêle-mêle l’amour des solex, du poisson, des cigares, des artistes et… du commerce. « J’ai l’amour du commerce » clame-t-il, « et j’ai commencé très jeune, à 13 ans ! Quand je pars en vacances, ça met ma copine en rage, je visite plus de commerces que d’églises ! ». L’amour du commerce depuis la tendre enfance, on le comprend, mais celui des volailles ? Parce que comme le dit très bien Augustin, quand il était petit il voulait faire plein de choses mais pas forcément volailler-rôtisseur-traiteur.
Collectionneur de solex
« Tout cela, c’est une longue aventure. Si vous avez le temps, je vous la raconte. ». Et c’est parti pour un petit moment de joyeuse causerie : « Petit j’étais collectionneur de solex ; j’avais créé une association de solexophiles à Bordeaux. Le patron de la poissonnerie Bonne mer, rue Fondaudège, avait lui aussi un solex. On a parlé bécanes et mécanique et c’est comme ça que j’ai commencé à travailler chez lui. Là-bas j’ai appris le choix de la très bonne qualité. Il m’amenait avec lui à la criée, on choisissait le top du top. C’est ensuite que je me suis formé à la volaille à Paris et à Lyon. Je suis de Provence mais je suis arrivé à Bordeaux très jeune ».
Reprenons. C’est l’histoire d’un jeune gars bosseur (c’est comme ça qu’il se définit), hyper-actif et enjôleur, à qui rien ne fait peur et surtout pas de monter son affaire à 21 ans. « C’est sûr, je ne faisais pas plaisir aux banquiers mais d’autres m’ont aidé ». Et nous voilà noyé sous un flot de bons samaritains : Paul Bocuse (dont on peut apercevoir le sourire paternel surmonté de sa toque blanche dans un cadre punaisé au mur), les volailles Clugnet des Halles de Lyon, la famille Veyssière, boucher historique lyonnais, et le papa d’Augustin bien sûr. « C’est grâce à eux que j’ai réussi. Et puis grâce à moi aussi ! ». Il est comme ça Augustin, généreux, reconnaissant et aimant avec les autres comme avec lui même. Il a réussi. Il est content. Il ne s’en cache pas. « Quand il y a un bon chiffre d’affaires, je suis plein gaz, je suis tout feu-tout joie. Je m’amuse avec mes employés, avec mes clients. On sert des verres ».
Des produits mythiques
Aujourd’hui ne doit pas être une trop mauvaise journée car Augustin est en forme et vante ses produits comme un fier coq régnant sur sa basse-cour : « Je fais du haut de gamme, je choisis le meilleur, j’ai des relations privilégiées avec mes fournisseurs, à l’ancienne ». Et ses fournisseurs, Augustin les aime, presque autant que ses bons samaritains. C’est chez Dumas en Périgord que poules, canards et pintades batifolent avant de finir sur sa broche. « Pour les poulets, c’est 105 jours, pas moins, pas plus. Moins c’est pas ça. Plus, comme ceux des bonnes sœurs ou des grands-mères ? C’est pas ça non plus, plus assez tendres. On se casse les dents ». Augustin boit un grand verre d’eau cul-sec avant d’enchaîner : « la pintade, c’est notre produit phare. Elle est grasse, pas sèche, farcie aux petits champignons. Elle est mythique. Et notre pigeon ! Je me fournis à la ferme du Mont Royal dans le Tarn. Je suis le seul non-étoilé à me fournir là-bas ! C’est ce qui se fait de mieux ! ».
Encore un produit mythique, comme le râble de lapin désossé, farci et lardé, le magret de canard farci, la caille du Périgord rôtie, le rognon de veau persillade et crépine à la broche, sans oublier le poulet et la canette de Bresse, et le gratin dauphinois, et la crème brulée, et la petite sélection de vins pour faire passer tout ça. Et quand on en peut plus de regarder les étals copieusement garnis qui nous laissent à penser qu’Augustin est le cousin germain de Pantagruel, qu’on lève les yeux au plafond, une surprise nous attend. Augustin a commandé à l’artiste bordelais Jean-Marc Comby une peinture. Dans la gamme chromatique fétiche du plasticien – les noirs, les blancs et les gris – se bousculent tout là-haut coqs, poules, pintades et canettes qui entremêlent leurs plumes aux minois de ceux qui ont partagé l’aventure du Poulailler d’Augustin. De là-haut, l’heureux rôtisseur, un cigare à la bouche, nous regarde et contemple, narquois, sa fulgurante ascension.
Le Poulailler d’Augustin 1 Place du Pradeau 33000 Bordeaux 05 57 78 37 55
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.
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