Dans la famille Faure on est entrepreneurs, voire, s’agissant du fils Fémi, on nait entrepreneur. De fait, ce fan de vélo roule de manière générale à tombeau ouvert vers tout projet qui fait bouger les lignes du goût et fait du bien aux papilles. Cette fois-ci, il a arrêté sa course à Jaén en Andalousie pour s’attaquer à un marché himalayesque de complexité : l’huile d’olive. Pour ça, il lui fallait un Maître, il s’appelle Jose Luis García Ramírez et dans sa famille d’agriculteurs à lui, ça fait six générations qu’on travaille le sujet.

Fémi a été professionnellement élevé à la dure. À 16 ans il fait les marchés, non pas pour y vendre quelques légumes bio triés sur le volet, mais du poisson. Et on ne vous fait pas l’article, l’image des mains dans la glace et l’évocation de l’odeur persistante, devraient suffire à vous convaincre qu’il vaut mieux aimer ces bêtes si vous voulez être opérationnel à 4 heures du matin pour les charger dans la camionnette. Et Fémi, il les adore. Il les connaît tous par cœur ses poissons, dans leur vie d’avant vivants, mais aussi dans les assiettes, car son autre passion c’est la cuisine, comme son père, avec qui il décline des dizaines de version de crevettes flambées au rhum, son plat signature.
Pour avancer un peu sur les sujets commerciaux, il finit par intégrer une école de commerce dont il retient principalement l’année hors les murs passée à Barcelone. Retour vers les poissons, mais version cryogénisés 2.0 dans la start-up nation. « Je me suis rapidement aperçu que ce n’était pas vraiment pour moi, ça n’avançait pas assez vite et le rapport à la matière première était trop éloigné. »
Et puis voilà qu’en janvier 23, son ami d’enfance installé depuis un moment à Madrid d’où il sillonne l’Espagne pour développer l’agrivoltaïsme, l’appelle en urgence, il va démissionner de son emploi stable et rémunérateur. Tout ça parce qu’il a rencontré un type exceptionnel du nom de Jose Luis García Ramírez, lequel fait une huile d’olive non moins exceptionnelle dans le village d’Arjonilla, à peine 5 000 habitants entre Cordoue et Jaén.

L’instinct, l’amitié, l’idée que l’agroécologie est essentielle à défendre, particulièrement en Andalousie où le réchauffement climatique n’est plus de l’ordre du futur proche, le sens du mouvement, bref, pour toutes ces raisons, Fémi sent qu’il faut voir la chose de près et rencontrer lui aussi ce personnage exceptionnel, « et sa femme Mercedes« , précise-t-il, « tout aussi formidable. Jose Luis n’est pas seulement un agriculteur, mais c’est aussi un chercheur qui travaille depuis 15 ans sur la régénération des sols et l’agroécologie et connait toute l’histoire de l’agriculture de sa région, il est fascinant. »
Seulement voilà, Fémi comme tout un chacun aime bien l’huile d’olive mais il ne se classe pas dans les experts, loin de là. « La première fois que j’ai goûté l’huile Olvero (13 prix internationaux au compteur NDLR), j’ai compris qu’il se passait quelque chose dans mon palais de totalement nouveau et que j’avais du mal à mettre des mots dessus. »


Direction l’école encore, mais cette fois-ci avec le gratin de l’oléiculture dans un Master ultra spécialisé de l’Université de Jaén. « Le Master dure 4 mois et est réservé à une toute petite promo d’une petite trentaine de professionnels. J’ai vite compris qu’il fallait pouvoir apprendre aux futurs clients et que pour celà il fallait bien sûr avoir toutes les connaissances possibles. »
Fémi et son ami associé Daniel Bodenheimer comprennent aussi que les modèles économiques qui gouvernent le commerce de l’huile d’olive sont, de fait, grippés par une méconnaissance générale des consommateurs qu’il est urgent d’éduquer pour qu’ils participent activement au développement d’une oléiculture durable. « On a commencé à faire des ateliers en entreprise et ça marche vraiment très bien. Les CSE peuvent éventuellement apporter 30 à 40% du prix d’une bouteille et du coup les salariés peuvent en acheter plusieurs. »


C’est effectivement la clef de tous les succès de la qualité sur la quantité. Bien sûr les huiles que vend Fémi sont plus chères que celles que l’on trouve habituellement dans la grande distribution. Comprendre que peu de bonne huile d’olive donne plus de gout(s) que beaucoup de mauvaise, ne se fait que par l’expérience du goûteur. Fémi fait aussi les marchés et fait goûter inlassablement ses huiles à tous ceux qui passent devant son stand. Il explique au mieux nuances et subtilités de ses produits exceptionnels, alliant avec talent savoir, pédagogie et sens du commerce à quelques mètres de ses voisins poissonniers sachant mieux que quiconque que c’est dans ces endroits-là que se joue une grosse partie de l’éducation à l’alimentation de demain.
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