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La noisette turque menace les prix du chocolat

21.09.14

Et si quelques grêlons turcs venaient à faire flamber les prix du Nutella ? L’idée paraît saugrenue mais elle pourrait bien s’imposer aux amateurs de la fameuse pâte chocolatée, victime inattendue de la mauvaise récolte du premier producteur mondial de noisettes.

Adnan Saglam est, contre son gré, l’un des acteurs principaux de ce scénario qui perturbe les géants mondiaux de la gourmandise. Dans son verger des hauteurs de Trabzon (nord-est), ce producteur de noisettes de 60 ans a déjà tourné la page de sa campagne 2014, sûrement l’une des plus mauvaises de sa carrière. « Cette année, la grêle a fait baisser la production« , raconte-t-il, « je n’ai fait que 80 kg environ, alors que normalement je récolte sur cette parcelle au moins 150 kg« .

Concentré le long des rives de la mer Noire, le secteur de la noisette turque a subi de plein fouet les intempéries de la fin de l’hiver. Au-dessus de 250 mètres d’altitude, de nombreux vergers ont été décimés et leur production a chuté. L’an dernier, la Turquie a fourni à elle seule plus des trois quarts des 825.000 tonnes de ce fruit produits dans le monde, soit 655.000 tonnes. Les chiffres ne sont pas encore définitifs mais les volumes 2014 ne devraient pas dépasser les 430.000 tonnes, selon les prévisions. Un recul qui, mécaniquement, a provoqué l’augmentation des prix du fruit « L’Etat s’est retiré du secteur il y a quatre ans. Jusque-là, c’est lui qui fixait les cours de la noisette« , explique Mehmet Cirav, de la Chambre de
commerce et d’agriculture de Trabzon. « Aujourd’hui, le prix est fixé par le marché. L’an dernier le kilo se vendait à 3 dollars, aujourd’hui il est au-dessus de 5 dollars parce que l’offre est plus faible« .

Cette forte hausse a fait le bonheur des producteurs turcs dont la récolte a été la plus épargnée. Et sans surprise, elle devrait se répercuter sur le
reste de la filière. A commencer par les transformateurs comme l’entreprise Oltan. Dans ses locaux flambants neufs, elle traite chaque année quelque 25.000 tonnes de noisettes, indifféremment grillées, broyées ou liquéfiées avant d’être expédiées aux quatre coins du monde chez les plus prestigieux  chocolatiers et confiseurs.

Valse des étiquettes ?
Son patron, Sükrü Köleoglu, ne fait pas mystère de ses intentions. « Mes coûts sont les mêmes, que la noisette soit à 3 dollars ou à 10 dollars. Il faut bien que j’y ajoute la main d’oeuvre, l’énergie, le transport« , plaide-t-il, « alors quand le prix de la noisette augmente, celui de mes produits augmente avec« . Et à l’en croire, cet effet domino finira forcément par affecter ses clients de l’industrie mondiale du chocolat, qui s’approvisionnent à plus de 90% en noisettes turques, réputées pour leur qualité. « Ils ne vont pas diminuer la qualité de leur produit en y mettant moins de noisettes« , s’amuse M. Köleoglu, « alors ils vont forcément répercuter la hausse sur leurs prix« .

Prudents, les fabricants de chocolat en carreaux ou en pâtes, déjà frappés par la progression des cours de leur principale matière première, le cacao, n’évoquent pour l’heure la perspective d’une valse des étiquettes que du bout des lèvres. « Si cette tendance à la hausse des matières premières se poursuit, une hausse des prix de certains produits ne peut être exclue« , concède la maison suisse Lindt & Sprüngli. « Pour 80% d’entre eux, nos clients paient la matière première au prix du marché au moment du contrat« , prévient lui aussi Raphael Wermuth, de son concurrent, helvète lui aussi, Barry Callebaut, numéro un mondial du chocolat.

Ferrero, père du Nutella et des fameux « rochers », confirme mais rassure. La société italienne ne fixera les prix de ses produits qu’en octobre, une fois connu « le volume de la nouvelle récolte » et promet « un impact minimal sur le consommateur final.  » Pour l’heure, le prix de la pâte à tartiner est le cadet des soucis des producteurs turcs. Eux s’inquiètent plutôt de la hausse continue des cours depuis la dérégulation de 2010, qu’ils soupçonnent d’être nourrie par les stocks de certains producteurs avides de gains. Et encore plus de ses conséquences sur une filière qui emploie 150.000 personnes. « Si vous fixez un prix trop élevé, vous ne vendez pas« , met en garde Mehmet Cirav. « En dehors des Européens, malheureusement, nous n’avons pas d’autre débouchés. S’ils se détournaient de la noisette turque, alors elle ne vaudrait plus rien« .
Trabzon (Turquie), 21 sept 2014 (AFP) – pa/cgu

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