Culture food Restauration

Excursion dans quatre food courts parisiens au goût du jour

Voici quelques années, le mot même de food court, que l’on a pris l’habitude de ne pas traduire, était  absent de l’univers de la restauration. Concept plutôt anglo-saxon, le voilà rendu ultra tendance avec l’ouverture récente de plusieurs pôles : La Communale à Saint-Ouen, Boom Boom Villette et Food Society à Paris, auxquels on ajoutera l’ancêtre Ground Control pour un tour de piste de ces lieux où tous les goûts sont permis, au risque d’en manquer.

©Pierre Hivernat avec OpenAI

Et commençons par l’ancêtre, le plus ancien dans le grade le plus élevé, comme disent les militaire : Ground Control installé à deux pas de la Gare de Lyon, dans une ancienne halle de tri postal de la SNCF et qui va fêter ses 10 ans. Après avoir monté quelques marches exiguës, on se trouve sur une terrasse aux tables colorées et d’anciens bus servant aujourd’hui de lieu de préparation pour des victuailles diverses et variées à commencer par Fermento Pizza où Riccardo et Santo vous concoctent un petit bijou, avec farine biologique rustique, produits de qualité issus de l’agriculture biologique et/ou en circuit court et pour faire bonne mesure, une mozzarella et du jambon cuit qui viennent tout droit d’une ferme de Rambouillet. On peut aussi croiser là-bas Thomas et Yilin qui vous font découvrir la culture franco-taiwanaise par une cuisine entre deux mondes dans leur Coin-Op Table. Mais sans doute que le projet le plus emblématique de l’esprit Ground Control reste la Résidence du « Refugee Food* qui depuis 2018, accueille et forme des cuisiniers réfugiés, ayant obtenu l’asile en France. La carte 100% fait maison est proposée par le chef formateur, Haitham Karachay (Syrie), et la brigade de cuisiniers en insertion du « Refugee Food*: Raimot Tijani (Nigéria), Wangchuk Tsering (Tibet), Mohammad Jawad Haidari (Afghanistan), Assia Zelbah (Algérie), et Hossein Rahimi (Afghanistan).
Une chose est de se nourrir, une autre est de se nourrir l’esprit et la grande qualité du projet de la Gare de Lyon, et sans doute garant de sa longévité est qu’en vous enfonçant dans la halle couverte, on comprend que Ground Control c’est aussi une librairie, des tables-rondes, des jeux vidéo et le studio de Podcast de la Ground Control Radio, bref, un écosystème culturel.

 

Ground Control ©Natacha Dervite
Ground Control ©Natacha Dervite

Les restaurants installés à Ground Control sont labellisés Ecotable, une charte qui valide un approvisionnement en circuits courts, des produits de saisons, une cuisine maison, une part importante de produits bio, des actions de tri et de recyclage et un souci de l’humain, un engagement unique dans ce type d’endroit, image de marque depuis bien longtemps de ses fondateurs, les agitateurs de La Lune Rousse, qui on très vite compris que les modèles économiques se devaient d’être diversifiés.
Sans doute ce qui a poussé la Ville de Saint-Ouen à leur confier les clefs d’un espace exceptionnel, une halle qui abritaient il y a bien longtemps une usine Alstom vielle de plus de 100 ans où furent construites les premières locomotives de TGV.

©Élisabeth Martin
©Élisabeth Martin

La Communale, joli nom, est  un food court tout en bois, avec ses touches de couleurs vives et une modernité à la Lego, le tout rénové sous la signature éclairée des architectes de l’agence Reichen & Robert, aménagé par le cabinet d’architectes Koz, bien connu pour son travail sur l’upcycling, le studio d’Architecture d’Intérieure agent M et le décorateur indépendant Angelo Zamparutti. Et c’est de loin, à ce jour, le travail le plus abouti en termes de modularité, d’intelligence des dispositifs, de travail sur la lumière, de la beauté simple du mobilier, de la chaleur dans un lieu par principe très grand et très froid dans ses fondations. On y mange plutôt pas mal, comme par exemple un très bon pâté en croûte (Les Bons Farceurs), du couscous (La Marocaine de Paris) ou encore des jolis Kimbap (Anju Korean Food) pour des prix assez justes. Et puis pour les nombreux nouveaux habitants du quartier ou les employés du Conseil Régional tout proche, on peut aussi faire son marché en achetant des produits de la Région Île-De-France, en passant à la boucherie pour ceux qui aiment, mais surtout en s’arrêtant à l’incroyable Fromagerie Hardouin de Cyrille et Nathalie, qui ont vendus dans plusieurs marchés et fromageries historiques de l’Ile-de-France et qui présentent désormais un des plus beaux étals du genre de la Région.

 

La Communale ©Pierre Hivernat

Et puis, évidemment, pourquoi changer une recette qui gagne, les programmateurs de La Lune Rousse ont ajouté, comme à Ground Control, les touches culturelles qui donnent et redonnent vie au lieu en dehors de ses heures habituelles des repas. Ainsi, La Communale se transforme tous les mercredis en Goûter Philo, pensé pour des enfants de 6 à 8 ans. On trouve aussi des activités plus sportives comme le yoga, et pour ceux qui préfèrent le sport sur grand écran des matchs sont parfois projetés. ​Et puis ce 23 mars, cap sur l’Amérique latine pour ce qui s’annonce comme  la première grande fête d’une véritable saison culturelle.

©Anouk Solliez
©Anouk Solliez
  • Boom Boom Villette fait partie, comme La Communale, des petits derniers à ouvrir (janvier 2024), et nous sommes là dans un tout autre univers. Abrité dans une aile de la Cité des Sciences et de l’Industrie au Parc de la Villette, ces halles ne sont qu’un hangar aménagé, bruyantes et le rapport qualité/prix n’est pas toujours au rendez-vous, voire jamais. La faute à qui ? À quoi?. D’abord aux fondateurs qui ne viennent pas du tout du même univers engagé que La Lune Rousse. La Société Apsys qui a investit avec la Société Générale pour élaborer ce projet bâtit tout autant des  lieux de shopping, des bureaux, des logements ou des hôtels et surveille avant toute chose ses retours sur investissements. Ensuite, Boom Boom Villette est un projet plus global dit, en français dans la langue du business, Food and Leisure. Ici on joue au mini golf ou au bowling et se nourrir fait partie des activités de service. On loue des espaces à des restaurateurs et on n’est pas regardant sur le rapport qualité/prix.
©Pierre Hivernat

Dans toute cette banalité de restauration, notons néanmoins le système le plus intelligent de tri des déchets qui soit. Clair, ne suscitant aucune hésitation des convives devant l’obstacle, il devrait faire l’objet d’un brevet et être généralisé !
Et puis si nous ne sommes pas les plus grands amateurs du lieu, on se dit que l’expérience en famille peut toujours y trouver son compte, avec les jeux, mais aussi avec le cinéma multisalle Pathé du dernier étage.

©Anouk Solliez
©Anouk Solliez

Le Food Society à Montparnasse, c’est encore une autre ambiance. Ouvert en octobre 2022 et situé au cœur du Centre Commercial Gaîté-Montparnasse, le lieu est plus petit que ses homologues franciliens mais n’en reste pas moins attractif, notamment par un design très malin, signature de l’architecte Lionel Jadot, où formes et couleurs permettent de varier l’expérience client. 15 stands de street food vous attendent avec les classiques pizza, sushis, empanadas, couscous et bibimbap, les mêmes qu’à La Villette. Certes, ici on affiche un certain modernisme du côté technologies. : tout est digitalisé avec un QR code avec lequel le client doit commander et payer. Mais design et technologie suffisent-ils à apprécier une restauration sans grande originalité ? Sans doute pas, mais on peut rester dans cet espace autant qu’on veut pour y travailler et, là encore, dans cette hypothèse, la nourriture n’est qu’un service.

La question que l’on se pose reste quel avenir à long terme imagine-t-on à ces quatre lieux qui font aujourd’hui les beaux jours des tendances Instagram ? À vrai dire, aucun probablement pour ceux qui ne les imaginent qu’à travers la ligne bénéfices d’un tableau Excel. Le monde de la restauration est en pleine mutation et dans ce quatuor là, nous parions avec plus d’enthousiasme sur l’approche culturelle d’opérateurs comme La Lune Rousse que sur des grands groupes immobiliers attirés par le conjoncturel plus que mus par le structurel.

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