Culture food Québec, le temps des sucres

Le mystère Poutine

21.03.24

Nous sommes en 2024 et Poutine se vend encore en t-shirt dans différentes tailles et couleurs, en Russie sûrement pendant la récente campagne électorale, mais aussi au Québec. Question de genre évidemment, puisqu’il s’agit ici de LA Poutine, emblème national d’une Street Food d’un autre temps qui continue à se foutre joyeusement de tous les codes du goût.

©Pierre Hivernat

Poutine vient semble-t-il de l’anglais pudding qui décrit généralement un mélange plutôt gloubi-boulga de fait très raccord avec la chose. Mais au Québec, poutine est également un mot d’argot qui signifie le bazar, la pagaille et, ma foi, on est toujours bien en phase avec le plat. La poutine fait son apparition au Québec dans les « casse-croûtes » ruraux dans les années 50 et devient très populaire dans tout le reste du Canada à partir des années 90, jusqu’à en faire des t-shirts qui, à l’époque ne pouvait être portés en  célébration de  l’homme politique russe éponyme qui n’avait pas deux ans. Alors bien sûr les commerciaux québécois ont bien compris qu’il fallait spécifier le genre et ont mis en vente un haut poutinien plus explicite.

©Pierre Hivernat

Et puis certains restaurants valeureux ont même réussi à faire croire que si l’on était chef, on pouvait twister la recette, lui donner une touche de modernité avec des sauces tralala. Côté design, on a même repris le concept du Diner américain pour augmenter l’indice de tradition authentique.

Restaurant Chez Tousignant à Montréal ©Élisabeth Martin

Et malgré tout ça, le mystère reste entier. Parce qu’on a beau tourner l’assiette dans tous les sens, une poutine, ancienne ou moderne, authentique, artisanale ou industrielle, d’un grand restaurant ou d’un bouiboui, reste composée à 87%, mettons 82% chez les grands chefs, d’un tas de frites molles. Mais tellement molles, qu’on a presque envie de demander la recette pour comprendre comment obtenir tant de déconfiture dans la texture.

Poutine ©Élisabeth Martin

Alors me direz-vous, la poutine c’est aussi le fromage en grains. Et c’est vrai, qu’à l’origine le « couic couic », en référence au bruit qu’il fait lorsqu’on le mâche, partait d’une bonne idée anti-gaspi pour écouler des surplus de lait. Mais après une insulte aux friteries belges, était-il vraiment nécessaire d’employer le mot fromage pour ces bouts de pneu blanc ? Tout ça pour vendre des t-shirts douteux, non, vraiment, le mystère Poutine reste entier.

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