Analyse Projet de loi agriculture et alimentation
Fin du marathon à l’Assemblée : toute la gauche a voté contre
Après huit jours et nuits de marathon animé, les députés ont approuvé mercredi le projet de loi agriculture et alimentation mais une partie de l’Assemblée reste sur sa faim sur le rééquilibrage des relations commerciales au profit des agriculteurs, ou la protection de l’environnement, clivante.
Le texte, qui va maintenant aller au Sénat, a été voté en première lecture par 339 voix contre 84, avec 130 abstentions. La majorité a voté pour « avec enthousiasme », la droite s’est abstenue « de manière vigilante », toute la gauche a voté contre, par « déception ». Si « tous les désaccords n’ont pu être levés » après quelque 77 heures de débat et 2.310 amendements, le ministre Stéphane Travert s’est dit « fier » que les députés « aient porté ce texte au service de l’agriculture française, unique en Europe ».
Issu des États généraux de l’alimentation lancés par Emmanuel Macron, le projet de loi vise à mettre fin à la « guerre des prix » pour redonner « un revenu digne aux agriculteurs », selon le rapporteur Jean-Baptiste Moreau (LREM), éleveur dans la Creuse. Il prévoit une inversion de la construction des prix en partant des coûts de production, un renforcement des organisations de producteurs, un encadrement des promotions parallèlement au relèvement du seuil de revente à perte. Sensibles aux critiques des syndicats agricoles, déçus par une copie du gouvernement en-deçà de leurs attentes, des députés de tous bords ont musclé le texte dans un sens plus favorable aux producteurs sur la fixation des indicateurs de prix ou les sanctions contre les distributeurs.
Pour la majorité, c’est « un tournant », mais pour la droite, au-delà « d’une philosophie générale plutôt positive » (Jérôme Nury, LR), le « compte n’y est pas » (Thierry Benoît, UAI), notamment face à la concentration des centrales d’achat de la grande distribution. Pour Sébastien Jumel (PCF), « cela ne changera rien pour les agriculteurs, qui resteront la proie mortifère de la libre-concurrence ».
Renoncements
Ce volet économique, crucial, a cependant déchaîné moins de passions que les mesures pour promouvoir une alimentation plus saine et favoriser le respect du bien-être animal, ou plutôt l’absence de certaines d’entre elles. Mesure emblématique, la sortie du glyphosate d’ici 2021, engagement présidentiel, ne sera pas gravée dans la loi malgré des amendements portés par une partie des « marcheurs », comme la présidente de la commission du développement durable Barbara Pompili, ou l’ex-ministre PS Delphine Batho. Cette décision a « déçu » le ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot, même si le gouvernement assure que l’objectif d’abandonner l’herbicide controversé à cette date est maintenu et mise sur les recherches d’alternatives.
Relayant la position de FNSEA et appelant à « faire confiance aux agriculteurs », LR s’est vivement opposée à cette interdiction, comme aux mesures du texte destinées à renchérir le coût des pesticides (interdiction de ristournes, séparation de l’activité de vente et de conseil). A l’image de la colère d’associations de défense de l’environnement (« une trahison » pour Générations futures), Loïc Prudhomme (LFI) a épinglé « les renoncements » d’Emmanuel Macron et une loi « vide de sens ». Stéphane Travert a été accusé ces dernières semaines par les écologistes, notamment l’eurodéputé Yannick Jadot, d’être « le prince des lobbies ». Le ministre, qui a récusé être « aux mains de lobbies », a épinglé en retour « les petits marquis de l’écologie des salons parisiens ». Les socialistes ont, eux, dénoncé notamment l’absence d’une « vraie politique de l’alimentation, une occasion manquée », selon l’ex-ministre Guillaume Garot.
En cause notamment le refus du gouvernement d’interdire à la télévision les publicités à destination des enfants pour les aliments trop gras, trop sucrés ou trop salés. La majorité met en avant l’objectif pour la restauration collective d’au moins 50% de produits bio ou intégrant la préservation environnementale en 2022. Enfin, les militants de la cause animale n’ont pas obtenu gain de cause malgré leurs milliers de mails et de tweets à destination des députés et du renfort de quelques célébrités. La vidéo-surveillance ne sera pas obligatoire, mais expérimentale dans les abattoirs. Et aucune date d’interdiction pour la vente des oeufs de poules en cage n’a été fixée.
Par Fabrice Randoux pour AFP
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