Analyse
La révolution Ozempic provoque panique et réinvention dans l’industrie agroalimentaire
Voilà ce que les américains appellent un « game changer« . Ou comment un simple médicament contre l’obésité amène ses consommateurs à littéralement vomir ce que leur corps adorait, à savoir : sucre, sel et gras. Jusqu’à ce que l’industrie des aliments ultra-transformés prenne conscience de faire face à une menace existentielle et s’efforce de s’adapter. C’est un article (comme toujours) très étayé du New York Times qui met le doigt sur cette révolution en marche.
Ozempic est le héros d’une famille de médicaments qui imitent l’hormone GLP-1 pour réduire l’appétit et signaler la satiété, et qui diminuent non seulement l’apport calorique, mais modifient également les préférences alimentaires. L’article de Tomas Weber mentionne : « Ils ont peur », a admis Lars Fruergaard Jorgensen, PDG de Novo Nordisk, fabricant d’Ozempic, en révélant que des cadres de l’industrie alimentaire l’ont contacté, inquiets.
Trinian Taylor, un utilisateur d’Ozempic de 52 ans, illustre aussi parfaitement ce changement d’échelle. Ancien accro au sucre, il évite désormais les snacks comme les Oreos et les Pop-Tarts au profit des fruits et légumes frais. « Je ne pouvais plus », a-t-il confié à propos des bonbons qu’il aimait autrefois. « C’était tellement sucré que ça m’a étouffé. »
Ces témoignages deviennent de plus en plus courants. Tomas Weber précise que selon Morgan Stanley, les utilisateurs de médicaments GLP-1 pourraient dépasser les 24 millions aux États-Unis d’ici 2035, un marché bien plus large que celui des végétariens et végétaliens. Pour l’industrie agroalimentaire, les implications sont énormes : les ventes de snacks et d’aliments transformés baissent déjà. Walmart a signalé une diminution des paniers moyens chez ses clients sous GLP-1, tandis que l’innovation dans le secteur alimentaire et des boissons atteint un niveau historiquement bas.
Un palet redéfini
Les médicaments GLP-1 ne se contentent pas de réduire l’appétit : ils diminuent également l’attrait des aliments ultra-transformés, qui s’appuient sur des arômes artificiels, des édulcorants et des additifs pour créer ce que Ashley Gearhardt, chercheuse à l’Université du Michigan, appelle « le palais industriel ». Ces saveurs autrefois irrésistibles perdent de leur attrait.
« Le céleri a le goût de céleri. Et la carotte a le goût de carotte », a partagé un participant à un groupe de discussion. D’autres affirment que les aliments ultra-transformés leur paraissent désormais « plastiques » ou franchement répugnants. Les gâteaux Hostess, adorés depuis des décennies, sont soudainement délaissés par des consommateurs comme Kathleen Kenney, qui déclare : « Je peux percevoir ce que sont vraiment les produits Hostess. »
La riposte de l’industrie
L’industrie alimentaire ne recule pas. Des entreprises comme Mattson, spécialisée dans l’innovation alimentaire, expérimentent des produits adaptés aux utilisateurs de GLP-1 : bouchées brownie enrichies en protéines, soupe de poulet lyophilisée et même chewing-gums coupe-faim.
« La commodité continuera de l’emporter », affirme Bob Nolan de Conagra Brands, suggérant que de plus petites portions riches en nutriments pourraient combler le vide. Cependant, les enjeux sont élevés. Des critiques, comme Nicole Avena, experte en addiction au sucre, mettent en garde contre la quête incessante de l’industrie alimentaire pour des saveurs hyper-récompensantes, qui pourrait réduire l’efficacité des médicaments GLP-1.
Une nouvelle ère ou simplement un changement ?
Pour l’instant, l’industrie mise sur l’optimisme. Justin Shimek, PDG de Mattson et lui-même utilisateur de GLP-1, voit des opportunités plutôt qu’un déclin. « Il y a un désir sincère de soutenir les gens dans leur parcours de perte de poids », a-t-il déclaré.
Mais alors que les médicaments GLP-1 redéfinissent la manière dont des millions de personnes perçoivent la nourriture, l’industrie est confrontée à une question pressante : pourra-t-elle innover assez rapidement pour répondre aux attentes de consommateurs qui, littéralement, perdent leur goût pour la malbouffe ?
Et la France dans tout ça ? Comme l’on très bien montré le mois dernier nos confrères de France Info ICI, cette famille de médicaments arrive aussi à grands pas…
Article complet (en anglais) à lire ICI
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