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Darwin, la pratique de l’évolution

07.08.15

A l’heure où l’on échafaude en grandes pompes la future COP 21, à Bordeaux, l’ancienne caserne militaire Niel consolide les fondations d’un gigantesque laboratoire de transition. Co-working, fablabs, ferme urbaine, ateliers de réparation de vélos, skate park, restaurant bio… Darwin : 30 000 m2 pour inventer un nouvel écosystème bien dans son XXIe siècle.

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Hier, une caserne. Aujourd’hui, le spot le plus branché de toute la ville.

Jean-Marc Gancille, l’un des 6 chefs de bord de Darwin, est plutôt fier de son nouveau logiciel : Miuseec. Prononcez miousique et comprenez « Métrologie intelligente des usages pour la sobriété énergétique et les éco-comportements ». On vous éclaire à la Led ? « Cette Rolls-Royce des interfaces, permet de mesurer en temps réel la consommation de nos bâtiments et de ses usagers et d’afficher le bilan carbone précis de Darwin écosystèmes », explique Jean-Marc, directeur du développement durable.

En fonctionnement depuis le printemps 2015, le logiciel enregistre des premiers résultats plutôt mélodieux pour les oreilles du GIEC : « on est largement en dessous du Facteur 4, se félicite Jean-Marc. Sur le plan des déchets on a encore un peu de chemin. Ils sont recyclés à 63%. Notre objectif est d’arriver à 80%. »

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Le resto sert 12 000 repas bio par mois et 120 000 litres de bières locales par an.

 « Zéro déchet, tri au taquet », la consigne de tri est rappelée ici et là, sur les poubelles en récup’ de palettes, dans le guide d’occupation environnementale, sésame d’entrée pour tout nouvel arrivant des 140 entreprises qui travaillent ici dans les Magasins généraux rénovés. Les déchets organiques du restaurant biologique ? Ils servent à alimenter le compost qui lui-même nourrit les terres des la ZAUE, la zone d’agriculture urbaine expérimentale, espace où l’on teste la permaculture, l’aquaponie, la culture de champignons sur marc de café… « Darwin écosystèmes ne s’est pas mis à l’écologie, rappelle Jean-Marc. C’est sa raison d’être. »

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Ici, on teste l’agriculture urbaine et avec l’association Darwin Bugs, la production d’insectes comestibles.

Il faut remonter 10 ans en arrière pour bien comprendre ce qui anime les fondateurs. En 2005, Philippe Barre, skateur, fils de la grande distribution, PDG d’Inoxia, grande agence de pub versée développement durable, tente avec Jean-Marc de faire bouger les lignes de ses clients. « On a milité au sein de l’ARPP, l’autorité de régulation professionnelle de la publicité pour sanctionner le greenwashing. Mais on restait frustrés parce tout ça n’avançait pas assez vite. » Les deux trentenaires (d’alors) rêvent d’un lieu où la coopération économique se marierait avec la transition écologique et les alternatives citoyennes. Un mariage à trois pour enfanter d’un grand laboratoire de transition.

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Le hangar Darwin, modulable à loisir par le brigade Planches à roulettes.

“Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements,” écrit le biologiste Darwin il y a plus de 150 ans. Nos deux acolytes ont tout pour occuper une bonne place dans ce troisième millénaire. Flexibles, agiles, convaincus, charismatiques, prêts à prendre des risques, ils dessinent leur maison idéale sur le papier et se mettent à prospecter.

Quand le 57e et dernier régiment d’infanterie quitte la caserne Niel en 2005, ils regardent les tags et les ronces prendre les bâtiments de la rive droite. « C’était tellement grand qu’on ne n’osait même pas y penser. » Lorsque la communauté urbaine de Bordeaux (CUB) lance un appel à projet en 2007, ils se mettent sérieusement à réfléchir plan de toiture et de financements. En 2010, après deux années de négociations compliquées, le transfert de propriété des Magasins Généraux de la CUB à la société Darwin Bastide est entériné.

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Darwin ouvre ses portes aux travailleurs indépendants, auto-entrepreneurs, consultants, TPE… dans ses espaces de coworking.

Philippe Barre met sa fortune personnelle sur la table (1,3 millions), Darwin Bastide emprunte le reste (9 millions) et les travaux démarrent à l’automne, en partie en mode chantier collaboratif. Isolation des toitures à la laine de bois, pose de 693 m2 de panneaux solaires, ventilation double flux, préservation des murs de 60 cm d’épaisseur, menuiseries double vitrage en acier… Au fil des années, la caserne poursuit sa mue pour décrocher rapidement la norme BBC « bâtiment à basse consommation d’énergie » et, honneur suprême, être reconnu par le Programme des Nations Unies pour l’environnement.

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Darwin : 140 entreprises dans les magasins généraux, 40 associations dans les friches

« Charles Darwin était un pionnier. Il a dérangé les esprits, remis en question les modèles établis. Nous revendiquons aujourd’hui son héritage, » expliquent les fondateurs qui n’hésitent pas à bouleverser les codes et faire s’entrechoquer les contraires avec des formules du style : « Darwin est à la frontière du capitalisme et de l’associatif. »  Aussi, dans le cluster éco-créatif (un genre de pépinière d’entreprises), ne sont retenues que des sociétés créatives versées écologie, développement durable, économie solidaire.  Mêmes engagements pour les co-workers qui se retrouvent dans des espaces soigneusement aménagés et insonorisés.

« On n’est pas du tout adeptes de Rifkin, prévient Jean-Marc. La 3e révolution industrielle, on n’y croit pas. Ici on valorise aussi le low tech. » Dans la Manufacture, les fablabs réalisent tout le mobilier du domaine en vieilles palettes de bois, cloisons mobiles, ancienne charpente alors que la Ressourcerie récupère et valorise des biens et des matériaux en fin de vie.  » On fait beaucoup pour aider le secteur non-marchand. Un fonds de dotation permet de soutenir toutes les initiatives innovantes, même les micro-associations. »

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Cycling et upcycling : le paradis du vélo.

Dans le monde de Darwin, on trouve aussi un restaurant bio de 200 couverts, prochainement labellisé par Ecocert, une épicerie elle aussi biologique, un skate park, des ateliers d’aromathérapie, des cours de yoga ou de Pilates, des séances de sophrologie collective, un espace location-réparation de vélos, un conciergerie solidaire où l’on se charge d’apporter vos cravates au pressing écologique, des Tetrodons, hébergements temporaires réalisés sur la base de containers, des salles de réunion « que l’on loue à la tête du client », une programmation événementielle tous azimuts…

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L’épicerie bio, 100% écolo plaisir.

Dans un coin poussent des plantes pour balcons, dans un autre butinent des abeilles. Bientôt, on y brassera une bière locale. « Il y a à Darwin des activités officielles et un pan plus officieux, confie Jean-Marc. Mais on ne se bride pas. » Dans le nouveau projet d’aménagement des 10 000 m2 de locaux restants (que l’équipe vient de remporter devant Vinci), les architectes ont prévu une rampe de skate géante sur le toit d’une coopérative de logements.

Article écrit par Hélène Binet (La Ruche qui dit Oui) / Photographies La Ruche qui dit Oui.
Pour découvrir la Ruche qui dit Oui ! c’est par ICI et pour lire son blog, c’est .

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