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A Paris, une boucherie végétarienne pour séduire les « flexitariens »

04.07.15

C’est un concept alimentaire qui nous vient des Etats-Unis et qui pourrait rapidement faire un tabac dans les quartiers gentifriés de Paris. En vitrine de cette boucherie d’un nouveau genre : des escalopes, des lardons, des brochettes… sans bœuf ni porc. Seulement des produits « simili-carnés », préparés avec une pâte à base de soja et froment surgelée à -30°C pour retrouver la consistance de la viande. Le must pour séduire ceux qu’on appelle les « flexitariens ».

Si l’on devine à peu près à quoi pourrait ressembler une boucherie végétarienne, on a en revanche du mal à mettre une définition derrière le terme de « flexitarien ». Apparu au mitan des années 2000 et utilisé depuis peu, ce concept n’est en réalité pas nouveau. Il regroupe, sous cette appellation, les personnes qui se revendiquent du végétarisme mais qui ne ferment pas complètement la porte à l’alimentation carnée. Une habitude, héritée du régime méditerranéen, aujourd’hui dans l’air du temps des citadins. Un concept branché qui fait écho aux préoccupations environnementales de ses consommateurs éloignés de la nature.

Venue tout droit des Etats-Unis et, depuis reprise aussi bien en Allemagne qu’aux Pays-Bas, cette hygiène alimentaire en vogue a immédiatement inspiré Isabelle Bensimon et Philippe Conte. Propriétaires de la première « boucherie végétarienne » de Paris, ouverte au mois de mai à deux pas du marché Aligre, ils espèrent répondre à un marché encore confidentiel mais qui pourrait rapidement devenir exponentiel. Car, selon un sondage réalisé en 2012 par l’Institut Opinion Way, si les végétariens ne sont que 3% en France, plus d’un quart des non-végétariens de notre pays – soit 27% – se disent prêts à devenir « flexitariens ». « Nous voulons toucher un public large, qui veut manger différemment mais qui ne sait pas comment s’y prendre », répond en écho Isabelle Bensimon, copropriétaire de l’établissement situé dans ce quartier historique des boucheries-charcuteries de Paris.

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15 000 litres d’eau pour 1 kg de bœuf
Depuis deux mois, ce sont donc des burgers, lardons, escalopes et autres brochettes d’un nouveau genre qui garnissent les étals de la « Boucherie Végétarienne ». Car, chez Isabelle et Philippe, pas de bœuf ou de porc. Les produits « simili-carnés » sont préparés avec une pâte à base de soja et froment, surgelée à -30°C pour retrouver la consistance de la viande. Un créneau porteur, à tel point que certaines enseignes de la grande distribution ont déjà commencé à l’investir en commercialisant des produits similaires, au-delà des steaks de soja et autres produits végétariens déjà proposés dans leurs rayons.

Marginal il y a encore vingt ans, ce phénomène est en train de construire son avenir. « Nous pensons même qu’il va s’ancrer et se développer dans la société », prédit Stéphane Walrand. Pour ce chercheur en nutrition humaine à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), « les gens ont compris l’importance de la qualité de l’alimentation et de la durabilité des produits ». D’autant plus depuis qu’il est admis que la consommation de viande entraine l’utilisation de quantités d’eau et d’énergie astronomiques, dépensées pour sa production. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), il faudrait l’équivalent d’une petite piscine pour produire 1kg de bœuf. Soit 15 000 litres d’eau. Un chiffre réfuté par l’Institut de l’élevage qui proteste contre la prise en compte de la consommation d’eau de pluie dans les statistiques.

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Aucun risque de carence
Egalement très gourmand en soja, l’élevage animal est aussi accusé par ses détracteurs de contribuer à la déforestation de la forêt amazonienne. Or, à la « Boucherie Végétarienne » de la place d’Aligre, Isabelle Bensimon et Philippe Conte utilisent du soja pour fabriquer leurs produits. Interrogés sur cet aspect, ces derniers assurent que, si leur soja n’est pas issu de l’agriculture biologique, il répond aux normes de la Table ronde pour un soja responsable et durable (RTRS). Par ces normes, « on se rapproche du commerce équitable », fait ainsi valoir Philippe Conte. Une forme de commerce où « il est certifié que les salariés de ces exploitations agricoles sont payés correctement et où l’environnement est respecté le plus possible ».

Si l’on sait maintenant ce que recèle le terme de « flexitarien », reste cette dernière question : que valent réellement, sur le plan nutritionnel, ces produits « simili-carnés » par rapport à la viande ? Pour l’Association végétarienne de France (AVF), il n’existe aucun risque de carence. « Les acides aminés essentiels servant à fabriquer des protéines sont présents dans tous les aliments d’origine végétale, que ce soient les fruits, les légumes, les céréales, les légumineuses ou encore les oléagineux », certifie Elodie Vieille-Blanchard, présidente de l’AVF. Une réponse nuancée par Stéphane Walrand qui, de son côté, indique que « les végétaux ont naturellement une plus faible teneur en acides animés essentiels que les sources animales ». Toutefois, note le chercheur de l’Inra, « pour des raisons de texture, certains produits « simili-carnés«  contiennent des sources animales, comme de la poudre de lait ou des œufs. Ce qui les rend plus équilibrés que d’autres ».

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