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Alouettes, abeilles et orchidées… un eden près des aéroports français

« Écoutez ! Le chant d’une alouette ! » Alors que des avions décollent plein gaz, un scientifique tend l’oreille. Il dirige un vaste inventaire de la vie sauvage des aéroports français. Objectif: montrer qu’ils peuvent aussi être un refuge pour la nature.
« Pour beaucoup de gens, un aéroport c’est des pistes et un peu d’herbe, mais en réalité ils sont composés de 70% d’espaces verts en moyenne« , explique Roland Seitre, vétérinaire et directeur de l’association française Hop ! Biodiversité. Gilet de chasse sur le dos, appareil photo en bandoulière, il a fait de ces vastes prairies un terrain d’observation privilégié de la faune et flore française. Les activités humaines y sont quasiment toutes interdites pour des raisons de sécurité. « Pas de labour, pas d’engrais: le sol des aéroports a souvent été laissé en l’état depuis des années« , poursuit le vétérinaire, qui arpente ce matin-là l’aéroport parisien de Roissy-Charles-de-Gaulle. Résultat: malgré le bruit et la pollution, les plateformes abritent aujourd’hui une très riche biodiversité. « Voyez, ici, vous avez une orchidée« , dit le scientifique, en pliant son mètre quatre-vingt vers une petite fleur violette cachée dans les herbes. « Sept cloportes, seize petits escargots, quatre limaces« , liste un peu plus loin une biologiste, penchée sur un bout de bois appelé « planche à invertébrés » et qui permet le suivi de ces petits animaux. A leurs côtés s’affairent une dizaine de salariés de la plateforme, invités à participer aux relevés. « Maintenant on s’extasie sur la moindre petite chose, ça devient extraordinaire », rigole Catherine, 55 ans, chargée de la gestion des déchets à Aéroport de Paris (ADP). « Je ne savais pas qu’il y avait autant de fleurs, d’animaux. On n’en a pas conscience quand on est dans les bureaux« , poursuit une autre Catherine, 56 ans, qui travaille au service des achats à Air France.
« réservoirs de recolonisation »
« Il y a 600 aéroports et aérodromes en France, soit 500 km2 de prairies environ. L’équivalent d’un parc régional« , détaille Julia Seitre, coordinatrice scientifique de l’association. « A l’heure où nos oiseaux disparaissent des campagnes« , ces « archipels » disséminés sur tout le territoire peuvent servir de refuges, de « réservoirs de recolonisation pour des espèces qui peuvent ensuite essaimer« , relève-t-elle. Un enjeu environnemental qui s’avère, contre toute attente, compatible avec les exigences des activités aériennes, fait valoir l’association, qui travaille depuis le départ avec la compagnie Hop ! Air France, la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) et le Muséum d’histoire naturelle de Paris.
Traditionnellement, la nature est persona non grata sur les aéroports et l’herbe coupée à ras, notamment pour limiter la présence des oiseaux qui peuvent causer des collisions. Mais aujourd’hui, les services techniques de l’Aviation civile prônent des « hauteurs de fauche dépassant les vingt centimètres« , explique Roland Seitre. Plusieurs espèces d’oiseaux ont en effet « du mal à se déplacer, à trouver leur nourriture« , quand la végétation est plus haute, ajoute-t-il. C’est le cas des rapaces, responsables avec les pigeons et les goélands de la plupart des collisions, et qui ne peuvent plus voir les petits rongeurs dont ils se nourrissent.
« Tout n’est pas foutu »
La sécurité, c’est « l’argument massue » pour convaincre les exploitants d’aéroports de l’intérêt de la biodiversité, poursuit le scientifique. Nul doute que la promotion de l’environnement permet aussi aux aéroports, qui souffrent d’une « image de marque désastreuse« , de redorer leur blason, explique Gilles Boeuf, ancien président du Muséum d’Histoire naturelle et membre du comité scientifique de Hop ! Biodiversité.
Il soutient malgré tout le travail de l’association qui « montre que tout n’est pas foutu, que le vivant peut se réinstaller rapidement si on le laisse tranquille. » Pas question non plus de parler de « greenwashing » (méthode de marketing consistant à communiquer auprès du public en utilisant l’argument écologique), explique Béatrice Parguel, spécialiste de cette question au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Hop ! Biodiversité travaille « dans la transparence, le comité scientifique est public et composé de scientifiques de renoms« . « Ce n’est pas ça qui va rendre le business d’Air France plus écolo« , ajoute la chercheuse, « mais ils ont un petit impact dans un coin, c’est mieux que s’ils ne le faisaient pas« .
Par Tiphaine Le Liboux pour AFP
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