« En 1946, après la guerre, Henri mon grand père, a fait un tour de France avec son frère pour voir notamment comment on faisait le jambon. Et puis il a pris le meilleur de chaque recette et a produit un exceptionnel jambon blanc. » Cédric, lui, a fait rugbyman professionnel et puis la retraite arrivant vite dans le métier, il a finalement poursuivi dans l’excellence avec une charcuterie qui sait innover en magnifiant la tradition (familiale).
Le boulevard Alsace Lorraine n’est pas folichon, plutôt conçu à la gloire de la voiture. On distingue de loin la charcuterie Aubard, refaite récemment en rouge et blanc rutilants. De toutes façons, si jamais vous vous perdiez, vous pourriez toujours demander votre chemin à n’importe quel bayonnais, toutes générations confondues, et vous verriez que son GPS se met en automatique. Le lieu est mythique, ne pas le fréquenter est une faute de goût. Cédric nous reçoit dans son bureau trop petit eu égard à son gabarit de deuxième ligne.
Des regrets d’avoir abandonné le rugby professionnel ? « Non, ça m’a passionné, j’ai été professionnel pendant 11 ans au Stade Toulousain puis à L’Aviron Bayonnais et je donne encore des coups de main pour le club, notamment avec les enfants, mais c’était une période de ma vie, je savais qu’elle aurait une fin. Pendant tout ce temps, ma mère tenait la charcuterie, je savais que j’avais là un outil de travail considérable et que, par ailleurs, il y a de moins en moins de vrais charcutiers. »
On a tendance à l’oublier, qui dit charcuterie dit plats cuisinés et là, c’est effectivement madame Bergez qui a œuvré et qui a considérablement fait évoluer l’entreprise. « Ma mère était une cuisinière dans l’âme, à son époque ce n’était pas très commun de vendre des plats cuisinés. Ca a été très vite un succès et aujourd’hui encore, on a certaines de ses recettes à la carte, dont ses chipirons à la luzienne, une recette typique du Pays Basque qui se vend toujours très bien. »
En 1968, la charcuterie a entièrement brulé et même si Cédric n’était pas né, il semble avoir gardé retenu que les entreprises sont des petites choses fragiles. Pour lui, on a beau avoir les meilleurs produits, si on n’est pas capable de les vendre dans les meilleures conditions, on n’est pas un bon commerçant. Cédric marie le calme de la concentration des sportifs de haut niveau avec le volontarisme du bâtisseur d’empire. Il construit patiemment le futur, sur de bonnes bases certes, mais avec cette volonté de ne pas risquer le placage sur le terrain de l’innovation.
Alors, qu’est-ce qui a changé depuis l’ère grand-papa ? « Beaucoup de choses ! La plus grande évolution c’est surtout la teneur en sel de la charcuterie. A l’époque c’était le seul conservateur que l’on maîtrisait plus ou moins et si on diminuait trop les doses il y avait beaucoup de pertes. Aujourd’hui, on dispose de systèmes très sophistiqués où l’on peut gérer l’hygrométrie et la température et les pertes sont minimums. En enlevant du sel on a pu retrouver des saveurs plus subtiles, c’est la première grande évolution. » Et s’il y a souvent la queue à la charcuterie c’est parce que, avant tout, le jambon y est exceptionnel.
Vingt ans que la Maison travaille avec le même élevage de porcs installé dans le village de Mendionde à une trentaine de kilomètres de là. Séjour de 12 à 18 mois à la vue du client dans un séchoir à l’air libre à l’étage de la boutique, odeur et goût de noisette et bing, Médaille de bronze au Concours Général Agricole en 2015 ! « Je n’y avais jamais pensé avant, mais à force de goûter des jambons, je me suis dit que le nôtre ne devait pas être si mauvais. J’ai plutôt pris l’épreuve comme un outil d’évaluation en n’imaginant pas revenir avec un trophée et puis on a gagné deux médailles d’un coup ! Ca, je crois que pour une première participation, c’est exceptionnel ! » On confirme, c’est même unique. Parce que, non content du bronze, la charcuterie Aubard s’est aussi offert l’or avec sa Rolls Royce : le jambon Kintoa.
Seulement trois ans que Cédric s’est lancé dans cette merveille de haute couture. « J’avais envie de soutenir cette filière qui a failli disparaître où les élevages ne comportent que 30 porcs par hectare, vivent en plein air et se nourrissent de ce qu’ils trouvent dans les sous-bois, glands de chêne, diverses racines, châtaignes…etc comme pour le Bellota espagnol. Ces porcs sont très gras et l’on perd évidemment beaucoup en poids de viande, d’où le prix assez élevé. » En réalité 50% plus cher que le jambon de Bayonne mais quand on aime, on ne compte plus ! La viande est de couleur rouge foncé et les clients se sont visiblement habitués à la cuisson rosée pour apprécier toutes les saveurs de ces côtes et entrecôtes d’exception.
Patiemment Cédric développe encore l’entreprise en essayant d’augmenter sa diffusion. Sa femme Guylaine est passée aux commandes de la nouvelle boutique de Biarritz. « Si ça n’avait pas été elle, je ne l’aurais pas fait, je ne conçois ce type de commerce que en famille. »
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.
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