Au Rucher des noisetiers, on respecte l’existence. Dans ce joli petit vallon des Hautes-Alpes, humains et insectes cohabitent en bonne intelligence. « Nous ne sommes pas là pour nous servir de la nature mais bien pour servir la nature », répètent Clémentine et Jonathan Challet. Plus qu’une devise, un choix de vie pour ce couple d’apiculteurs.
A peine la portière de la voiture refermée que Clément se précipite pour un dernier au-revoir. Petit bonhomme de cinq ans, les yeux d’un bleu plus sombre que ceux de son père, l’aîné de Clémentine et Jonathan Challet nous avait déjà surpris par sa connaissance des plantes de son petit potager. Alors qu’à cet âge-là, bon nombre d’enfants ont le regard rivé sur les écrans, Clément, lui, a les Ecrins pour horizon. Sur les trois planches permanentes de son jardin poussent des tomates, de la salade et de la bourrache, une fleur délicate aux longs pétales bleus qu’il mange avec précaution sous l’œil attentif de sa maman.
Dite comme cela, l’anecdote peut paraître bucolique, un brin ringarde avec, en arrière-goût, un vilain relent de « petite maison dans la prairie ». Il n’en est rien. En réalité, cette tranche de vie, happée dans le vif d’une existence familiale seine et équilibrée, résume à elle seule le chemin parcouru et toujours emprunté par Clémentine et Jonathan Challet. Celui d’un respect franc de cette nature de la vallée du Champsaur (Hautes-Alpes) dévoilant, en été, une splendeur assurément bien moins sereine une fois l’hiver arrivé.
Au creux de ce petit bout de montagne, se raconte pourtant une toute autre histoire. Celle d’un inexorable déclin que le couple d’apiculteurs veut à tout prix essayer d’enrayer. « Cela fait dix ans que nous travaillons avec les abeilles mais seulement trois en tant que professionnels. Nous nous sommes installés au pire des moments », explique Jonathan. Dans ces années 2012, 2013 et 2014 où l’apiculture française assiste impuissante à la disparition de ses cheptels. « La saison dernière, notre production a par exemple chuté de 80% », dit encore l’apiculteur. Le ton employé est aussi doux que cette réalité est dure à entendre. Et sûrement plus encore à vivre. Alors, Le Rucher des noisetiers a décidé de se diversifier. Sans se plaindre et, toujours, avec la même volonté d’innover.
Le choix d’une apiculture sédentarisée
Posées en contrebas de ce joli vallon escarpé, 200 ruches font face au massif du Vieux Chaillol. Derrière elles, plusieurs bandes de fleurs agrémentent une petite prairie doucement caressée par le vent chaud de l’été. A première vue, difficile de décoder ce décor alpestre. Pourtant, ici, tout a une fonction, un rôle bien précis. Celui du choix assumé d’une apiculture sédentarisée où la transhumance des ruchers se voit de plus en plus espacée. L’explication est simple. « En fleurissant ainsi notre ferme, nous contrôlons à la fois la qualité et la quantité des fleurs pour nos abeilles. Surtout, reprend Jonathan Challet, nous misons sur le fait que les floraisons s’échelonneront de mars à octobre. »
Contre le fauchage prématuré du trèfle, de la luzerne et du lotier des Alpes qui empêche leurs abeilles de butiner. Contre le climat, pourtant méditerranéen, d’une région où la saison chaude connaît des amplitudes de températures pouvant varier de 15°C en moins d’une journée. Bref, contre ce véritable challenge qui consiste à faire pousser fleurs et légumes en pleine montagne, Clémentine et Jonathan Challet ont opté pour la construction d’une « Walipini ».
Grâce à l’utilisation de la chaleur naturelle de la terre (d’environ 12°C à un mètre et demi de profondeur, ndlr), combinée à l’installation d’une large verrière installée sur le coteau exposé plein-sud du Rucher des noisetiers, cette serre bioclimatique semi-enterrée permettra de capter les rayons du soleil. En hiver comme en été. « Et, s’il fait trop chaud ou que nous connaissons d’autres mois de juillet aussi secs que celui que nous venons de vivre, complète Clémentine, nous installerons une pergola avec vigne, histoire de préserver nos cultures du soleil. »
Eco-construction participative
Audacieux et expérimental, ce chantier ne se fera pas tout seul. « Comme lors du creusement de notre mare ou de la construction de l’atelier-menuiserie, des membres de l’Amap du Champsaur nous ont dit qu’ils viendraient nous aider », assure Jonathan Challet. Une fois lancée, cette éco-construction participative devrait durer des semaines. Et permettre non seulement au couple de diversifier son mode de production en fleurs mais également de se lancer dans le maraîchage. « Cette serre viendra compléter la production de notre jardin, indique Clémentine qui a suivi, au printemps dernier, la formation Horizon permaculture de Lussault-sur-Loire, en Touraine. Nous pourrons ainsi cultiver des fèves, des pois et des épinards pendant l’hiver ; des tomates, des aubergines et des poivrons durant l’été. »
Tous ces produits seront ensuite vendus via l’Amap du Champsaur ou sur les marchés de producteurs de la région. Comme en ce mardi 21 juillet – jour anniversaire de Clémentine et de sa petite Julianne – où, pour la première fois, en plus de son miel de montagne et de ses produits transformés par La Confiserie alpine, le couple a pu proposer aux habitants et aux touristes, venus visiter la commune de Pont-du-Fossé (Alpes du Sud), sa première récolte maraîchère. Une diversification prolongée par un tout autre projet : le futur aménagement d’un gîte de 200 m2 avec salle d’accueil pédagogique sur l’histoire du miel et celle de la « Walipini ». Ce concept agricole vieux-comme-le-monde qui devrait permettre à ce havre de paix qu’est Le Rucher des noisetiers de perdurer. A l’infini.
Pour découvrir le projet en images, c’est par ici…
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