Analyse Social

Pour leur campagne d’hiver, les Restos du coeur craignent une baisse des dons

27.11.18

Des besoins toujours criants, notamment chez les plus jeunes, et un bouleversement fiscal qui dissuade certains bienfaiteurs: les Restos du coeur ont lancé mardi leur 34e campagne d’hiver en redoutant une baisse des dons des Français.

« On compte sur vous ». Le slogan de l’association semble fragilisé cette année par la refonte de la fiscalité. Hausse de la CSG (contribution sociale généralisée) pour les retraités, suppression de l’ISF (impôt sur la fortune) et prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, risquent de retenir les donateurs. Pourtant les besoins demeurent. L’hiver dernier, les Restos ont distribué 130 millions de repas à 860.000 bénéficiaires, soit 12 fois plus de personnes qu’en 1985, lors de leur création sur une « petite idée » de Coluche.

Et les bénéficiaires sont de plus en plus jeunes: l’hiver dernier, 38% étaient mineurs et 50% avaient moins de 25 ans. « Tous les centres constatent déjà de nombreuses inscriptions » pour l’aide alimentaire, a expliqué le président de l’association, Patrice Blanc, en visite dans une antenne du XVIIIe arrondissement de Paris. « La campagne d’hiver va être rude et on a besoin d’argent. (…) On a une vraie crainte que les dons baissent. » L’association a reçu 90 millions d’euros de dons l’an passé, un élan de générosité envoyé pour moitié par chèques et qui pèse 47,5% de ses ressources. Cet hiver, les premiers indicateurs sont alarmants: malgré un appel aux dons envoyé une semaine plus tôt, elle a reçu un tiers de chèques en moins que l’an dernier à la même période. « Ça représente un trou de 2 à 3 millions d’euros« , s’inquiète Bernard Vagenay, responsable du service dons et legs de l’association. « Ce n’est pas encore une catastrophe, mais on espère que les gens vont se réveiller pendant la période de Noël« , qui concentre l’essentiel des dons des Français chaque année.

« Envoyez votre courrier à l’Elysée »

Avec la hausse de la CSG, « on a eu beaucoup de mails de retraités nous répondant : envoyez donc votre courrier à l’Élysée« , raconte-t-il. « On n’avait jamais eu des réactions comme ça auparavant« . Autre inquiétude, l’impact du prélèvement à la source qui a pu faire croire que les dons seraient moins déductibles d’impôt: « c’est la grande inconnue. Il faut répéter que rien ne change« , souligne M. Vagenay. Les donateurs bénéficient d’une avance de l’État sur la base de leurs dons de l’an dernier. La suppression de l’ISF a également fait perdre 850.000 euros à l’association, qui finançaient directement des chantiers de réinsertion vers l’emploi.

Les Restos du coeur sont loin d’être les seuls à être confrontés aux restrictions des Français sur la solidarité. Le syndicat France Générosités, qui fédère 97 associations et fondations, a constaté une baisse de 6,5% des dons chez ses membres au premier semestre. En visite dans le centre parisien, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, Christelle Dubos, a « assumé » la politique fiscale du gouvernement. Les retraités qui choisissent de ne plus faire de dons « peuvent aussi s’investir en tant que bénévoles et passer du temps aux Restos du coeur« , a-t-elle déclaré. Et de rappeler qu’il « y a aussi des personnes qui ont de petites ressources et qui vont faire l’effort de donner« . Elle s’est en revanche montrée rassurante sur le devenir du Fonds européen aux plus démunis (FEAD), pilier de l’aide alimentaire en France, qui finance un repas distribué sur 4 par les Restos.

Son budget est actuellement en pleine renégociation pour la période 2021-2027 et certaines associations craignent qu’il soit divisé par deux. Quel que soit le résultat des pourparlers à Bruxelles, « le gouvernement s’est engagé à maintenir l’enveloppe qui avait été déjà allouée sur les années précédentes auprès des associations d’aide alimentaire« . Le commissaire européen Pierre Moscovici a lui aussi « tenu à rassurer le président des Restos du Coeur« . Selon lui, la Commission européenne va « faire en sorte que ces crédits soient maintenus et que nous restions aux côtés des plus démunis« .
Par Romain Fonsegrives

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