Analyse Pandémie

L’ONU alerte sur la rupture des chaînes logistiques qui menace la sécurité alimentaire en Afrique

21.04.20

Avec le confinement des populations dû à la pandémie de Covid-19, la rupture des fragiles chaînes logistiques d’approvisionnement -de la production à la commercialisation- menace la sécurité alimentaire en Afrique, prévient le président du Fonds international de développement agricole (Fida, ONU), Gilbert F. Houngbo, dans un entretien avec l’AFP.

– Quel risque principal identifiez-vous en Afrique avec la crise du Covid-19?
– Les populations confinées n’ont plus accès aux systèmes de transport en commun, aux semences, aux marchés informels pour y vendre leurs produits ou y acheter des intrants comme des semences et des engrais. La fermeture des grands axes routiers et les interdictions pesant sur les exportations risquent également de nuire aux systèmes alimentaires. Cette rupture des chaînes logistiques est un des plus gros problèmes à régler et nous devons agir dès maintenant pour éviter que la crise sanitaire ne devienne une crise alimentaire.
Dans les semaines à venir va se poser le problème de la gestion des intrants agricoles avec la saison des semis. Certains producteurs d’engrais ne peuvent d’ores et déjà pas envoyer leur production dans leurs centres de distribution. Nous faisons face aussi à des problèmes de conservation des récoltes en milieu rural où 80% de la population est pauvre ». « Dans le monde, environ 80% des personnes les plus pauvres et la majorité de celles qui souffrent d’insécurité alimentaire vivent en milieu rural. Avant la pandémie déjà, plus de 820 millions de personnes ne mangeaient pas à leur faim. L’IFPRI (l’Institut International de Recherche sur la politique alimentaire, NDLR) estime qu’environ 140 millions de personnes pourraient tomber dans l’extrême pauvreté (vivant avec moins de 1,90 dollars par jour) dans le cas d’un recul de la croissance de 5%.

– Quelles actions mène le Fida?
– Nous avons lancé un mécanisme de relance en faveur des populations rurales pauvres, un nouveau fonds destiné à lutter contre les effets de la pandémie. Nous aidons à trouver des débouchés locaux à des récoltes qui seraient perdues faute de moyen de transport (manque de camions, ou de chauffeurs..), et nous aidons les gouvernements à racheter des stocks de produits agricoles qu’ils peuvent ensuite redistribuer à des populations dans le besoin ». « Nous ne faisons pas de distribution alimentaire d’urgence ou de transfert de cash de survie, comme le PAM (Programme alimentaire mondial, une autre agence de l’ONU, NDLR). Nous soutenons des instituts de microfinance et des services financiers ruraux qui peuvent ainsi continuer de financer des coopératives agricoles locales, nous payons des salaires de travailleurs confinés même s’ils ne sont pas dans les champs pour permettre la reprise d’activité et essayer de limiter les dégâts.

– Faut-il annuler la dette africaine, comme l’a proposé Emmanuel Macron?
– Le G20 a décidé de différer le service de la dette bilatérale de l’Afrique, et les institutions multilatérales, dont nous faisons partie sont sous pression pour faire la même chose ». « Si les banques de développement multilatérales l’acceptent, nous nous alignerons. Nous sommes ouverts à cette idée. Par ailleurs, nous accueillons favorablement la détermination de la Chine et le rôle positif qu’elle a joué dans les débats au G20 et nous sommes convaincus qu’elle continuera de jouer un rôle pro-actif dans la suite des discussions ». « Il faut considérer l’option de l’allègement de la dette, même si cela serait un casse-tête financier pour nous puisque l’Afrique représente la moitié de nos prêts. Il faut bien sûr regarder l’impact sur la stabilité financière de nos institutions et que des compensations soient proposées (…) mais il ne faut pas avoir peur du débat ».

Propos recueillis par Isabel Malsang pour AFP

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