Portrait Producteur

L’huître au naturel

21.11.15

Quatre Anglais viennent de prendre place sous la tonnelle devant la cabane d’Agnès et Hervé Pontet dans le petit village ostréicole des Jacquets. La route a été longue. Ils arrivent du sud Périgord, ont fait une heure et demi de route pour une seule chose : rendre visite aux Pontet dont ils achètent les huîtres sur le marché nocturne de Pizou en Dordogne tous les étés. Face au bassin et à ses eaux changeantes, les quatre touristes s’enthousiasment et s’exclament, accueillis avec chaleur par Hervé, 47 ans, barbe de trois jours, crâne rasé et beaux yeux clairs.

Depuis qu’il a ouvert un point dégustation devant sa cabane, des visites comme celles-ci, le couple Pontet en a de plus en plus souvent : « le bouche-à-oreille sans doute, on fait les choses le plus simplement possible.» C’est vrai qu’ici le confort est simple, sans chichi, loin des cabanes de la pointe, apprêtées comme pour parader dans des revues chics de décoration. « Je n’ai rien contre ceux qui viennent en robe blanche et veulent marcher sur des caillebotis mais ce n’est pas notre façon. Nous c’est plutôt bonne franquette et pieds dans le sable.» Les pieds dans le sable, juste ce qu’il faut d’ombre en cette journée ensoleillée, une vue panoramique sur le bassin, « la façon » des Pontet présente bien des qualités. D’autant plus qu’ici, c’est l’ostréiculteur en personne qui ouvre et sert les huîtres. C’est lui encore qui inlassablement explique aux petites tablées pourquoi il a apposé un peu partout des panneaux prônant « l’huître naturelle ».

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Haro sur l’huître génétiquement modifiée
Il ne faut d’ailleurs pas lui tendre la perche longtemps pour qu’Hervé se lance dans de précises explications sur les valeurs de l’ostréiculture traditionnelle et plus précisément de l’huître diploïde née en mer et qui se reproduit naturellement, par opposition à l’huître triploïde née en écloserie et issue de modifications génétiques. Cette question, presque totalement inconnue du grand public, Hervé a décidé de la prendre à bras le corps, en en expliquant les tenants et les aboutissants à ses clients. « Mon but, c’est d’informer, ce n’est pas de dire que c’est meilleur ou moins bon, mais que les gens sachent ce qu’ils mangent. » Et c’est pour mieux défendre cette cause qu’il est devenu membre de l’association des Ostréiculteurs traditionnels.

Soudain, il file dans sa cabane et revient presque aussitôt avec Cultures marines, un magazine de conchyliculture dédié aux professionnels : un dossier de 4 pages explique et décrypte une récente initiative d’un sénateur vert pour un étiquetage différencié selon que l’on produit de la diploïde ou de la triploïde. « On n’est pas à l’abri d’une crise comme celle de la vache folle. À l’époque, les bouchers artisanaux qui savaient d’où provenait leur viande et comment les bêtes étaient nourries, s’en sont beaucoup mieux sortis ! » lance Hervé avant d’ajouter « et puis, je ne veux pas être dépendant des écloseries », rappelant au passage que les fameuses huîtres génétiquement modifiées sont totalement stériles et ne peuvent pas se reproduire, un « détail » qui en rappelle d’autres en matière de semences génétiquement modifiées.

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Respecter le rythme naturel de l’huître
Il enchaîne aussitôt : « j’essaie de respecter la nature et les saisons. Mes huîtres, elles varient en fonction du lieu et du calendrier, c’est pour cela que je ne vends pas aux restaurateurs, ils veulent avoir toujours le même produit quelle que soit la saison, mais c’est impossible. Quand l’huître est en période de reproduction, elle devient naturellement laiteuse, une fois la ponte achevée, elle est moins charnue. C’est son rythme naturel, nous n’y pouvons rien. » On l’aura compris, Agnès et Hervé aiment respecter la nature et ont préféré limiter leur nombre de parcs à deux : le premier à l’Île aux oiseaux, le second au Grand banc : « avec nos 15 tonnes par an, on fait de l’artisanat ! »  précise Hervé en riant. Et il ajoute « je vends des huîtres naturelles, mes parcs, c’est sûr, n’ont rien d’une carte postale. D’autres vendent une marque ou une image du bassin, pas moi .»

Le bassin, justement. Quand on lui demande quel est son endroit préféré, lui, le fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’ostréiculteurs, lui qui est « né dedans », répond, désarmant : «  je ne connais pas le bassin plus que ça. Je ne vais que là où j’ai mes huîtres. » Quant à l’océan tout proche, c’est bien simple, il n’y a pas trempé les orteils depuis des années, alors les vacances, c’est à peine s’il se souvient de ce que cela veut dire : « on a pris trois jours au mois de février et huit jours il y a deux ans. J’en avais ras le bol, on avait rien pris pendant huit ans ! ». Mais Hervé ne se plaint pas, il aime son métier, produire des huîtres naturelles, les vendre et expliquer inlassablement aux clients, qu’il vaut mieux savoir de quelle huître on se nourrit, « mais comme de n’importe quel produit ! »

Agnès et Hervé Pontet
Ostréiculteurs
1 impasse des réservoirs
Les Jacquets
33950 Lège Cap Ferret
05 56 60 89 59

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

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