Portrait Producteur

Le Petit Poucet des huîtres

01.09.16

D’abord il y a une succession de cabanes. Collées les unes aux autres, serrées comme des huîtres dans une bourriche, là-bas, tout au bout du lac d’Hossegor, à quelques encablures des palpitations de l’océan atlantique. C’est ici, au bout du bout du lac à l’eau saline, relié au golf de Gascogne et à ses marées, que se déguste l’huître d’Hossegor. Une production microscopique à l’aune de celle du bassin d’Arcachon ou d’Oléron. Ils ne sont en effet que six ostréiculteurs à faire perdurer une tradition qui remonte à 1870. Parmi eux, Jérôme Labéguerie.

 

Originaire de Bayonne, la petite quarantaine flamboyante, le patron de La Cybèle, n’a pas vraiment vocation à devenir ostréiculteur lorsque, adolescent, il part suivre une première formation en pisciculture marine à Arcachon puis un Bac pro à La Rochelle. « J’aimais la pêche et les poissons. Dans ma formation, les huîtres, on les appelait les cailloux. Pour nous, c’était des produits inertes.» Comme tous les lycéens de sa formation, Jérôme est pourtant contraint de faire un stage obligatoire en ostréiculture « personne ne voulait y aller, c’est pour cette raison que ce stage était obligatoire.» Et là, sans pour autant être une révélation, il a le déclic « je me suis dit qu’il y avait peut-être un truc à faire.» Voilà l’enfant d’une dynastie locale des pompes funèbres (son frère qui a repris l’affaire familiale incarne la cinquième génération) lancé dans son projet : devenir ostréiculteur.

Son père vient de racheter une entreprise de pompes funèbres à Hossegor, l’occasion pour Jérôme de découvrir le site ostréiculteur du bout du lac. « J’avais 22 ans quand j’ai fait une demande aux Affaires maritimes pour installer un parc à huîtres, j’ai enchaîné avec mon service militaire, le vrai top départ, c’était en 1997 ». Il a 23 ans et sait qu’il s’engage dans une aventure dont il ignore l’issue. « À  l’époque, il y avait surtout des anciens et ça n’allait pas très fort. La plupart avaient une deuxième activité pour vivre. J’étais le plus jeune. J’ai été aidé par le plus ancien. Il m’a fait confiance. J’apportais des idées nouvelles, il a suivi, tout le monde a suivi. On a remonté la pente collectivement » se souvient celui qui aujourd’hui est Vice-président pour les huîtres d’Hossegor au sein du puissant Comité Régional de la Conchyliculture Arcachon Aquitaine.

PH-LABEGUERIE5-SoniaMoumen_copie

Un site exceptionnel

À l’époque, l’huître d’Hossegor, et c’est un euphémisme, n’a pas spécialement une bonne image et la dégustation d’huîtres à la cabane est encore inexistante. « Il fallait vraiment y croire. C’était le dernier site de production d’huîtres avant le Pays basque. On avait potentiellement tout le marché de la côte à nos pieds. Et puis, le site est magnifique.»

C’est vrai qu’il est beau ce site. En ce mois de septembre, le lac étincelle sous la caresse des rayons du soleil de l’été indien, un vent doux fait osciller les hautes cimes des pins qui enlacent les rives herbeuses. « Regardez ! Le site est exceptionnel ! À l’époque on nous a mis au fond du lac en pensant qu’on allait couler. On est toujours là ! Et en plus c’est le plus bel endroit du lac, avec la plus panoramique des vues » rit de bon cœur Jérôme. La beauté du site ne lui fait pour autant pas oublier les épisodes réguliers liés à l’ensablement et à la pollution. Entre fin 2012 et début 2015, cette dernière a contraint les ostréiculteurs à stopper la vente de leurs coquillages à quatre reprises, sur de longues périodes. C’est notamment pour éviter la banqueroute liée aux interdictions récurrentes de vente que Jérôme a diversifié sa production et ses modes d’affinage.

Des huîtres migrantes

Pour faire simple, il élève pour 2/3 des huîtres dites naturelles (diploïdes) et pour 1/3 des « quatre saisons » (des huîtres triploïdes issues d’une manipulation génétique). « Je fais les deux, mais je suis totalement transparent,  je le précise à mes clients. Pour l’été, cela fait vraiment la différence entre huîtres laiteuses et non laiteuses.» Ça, c’est pour l’origine des bébés huîtres dont une partie grandira ensuite à Hossegor, une autre dans la Ria d’Étel (Morbihan) et encore une autre au Banc d’Arguin sur le bassin d’Arcachon. « J’ai des huîtres migrantes » lance le producteur « grâce à la Bretagne, je suis passé de 12 tonnes d’huîtres à 50 tonnes. Le goût d’iode vient de là ! »

Quant au goût de l’huître d’Hossegor, qu’elle soit diploïde ou triploïde, il renvoie à la douceur sucrée de la noisette réveillé par celui, plus sauvage de la mer. Un goût que Jérôme apprécie, lui qui déclare volontiers être un ostréiculteur heureux. Au prix de beaucoup d’efforts et de pas mal d’inventivité, il a réussi à transformer les cailloux de son adolescence en huîtres artisanales que les amateurs s’arrachent.

La Cybèle d’Hossegor
Jérôme Labéguerie
1 Avenue du Tour du Lac
40150 Soorts-Hossegor
tél : 06 73 34 21 62

Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.

Partagez moi !

Vous pourriez aussi être intéressé par

Portrait Épicerie

Les clés du succès de Pourdebon, la place de marché en ligne

03.04.24
On avait déjà réalisé une courte vidéo à leur sujet à l’occasion du lancement de leur pop-up store éphémère… En novembre 2018. Cinq ans plus tard, on a rencontré Nicolas Machard, le Directeur général de Pourdebon dans ses nouveaux...

Portrait Le vigneron / la vigneronne du mois

Le b. a. Bia ou pourquoi partir à la recherche du Mècle, Chatus ou Bia, ces cépages oubliés ?

15.03.24
Faut-il être passionné par la viticulture, l’environnement, le patrimoine et l’histoire pour se lancer à la recherche des cépages oubliés. Ecouter les vignerons Nicolas Gonin et Pascal Jamet raconter leur travail de prospection à la recherche du Bia, Mècle,...

Portrait Producteur

François Peloquin, l’agriculteur qui vous dit tout sur la culture des légumineuses !

La chaire ANCA met en avant les enjeux de la production des légumes secs avec une interview de François Peloquin, un producteur de lentilles vertes et de pois chiches.