Rencontrer Jean-Luc Constanti, c’est comme croiser une tornade. On en sort épuisé. Il est le premier à le dire : « Je suis excessif, comme tous les chefs. Dans la vie je suis un fou furieux. Je remercie tous les jours ma femme de vivre avec moi !». Le ton est donné. Et si le boulanger-pâtissier-chocolatier-confiseur le plus en vue du Béarn considère que son excessivité est son plus grand défaut, il en ajoute aussitôt un autre : « la perfection du produit. C’est devenu un défaut tellement je suis en quête de qualité ».
Quant à ses qualités à lui, il réfléchit, pèse et soupèse dans un profond silence : « je dois bien en avoir, mais je n’en sais rien »… Faute de qualités personnelles qu’il puisse nommer lui-même, « il faudrait demander à ma femme », il lui reste un long héritage familial que le Néranais de souche ne se prive pas de revendiquer haut et fort. « Mon arrière-grand-père était meunier. Il a fait huit enfants et à mon grand-père Léon, le huitième de la couvée, mon arrière-grand-père a dit : ‘écoute fils, le mieux est de se servir du produit que l’on travaille tous les jours’. C’est comme ça que mon grand-père Léon est devenu boulanger. Mon père Jean a continué. Et moi j’ai amené le sucré ». Racontées de la sorte, les choses ont l’air simple… mais en réalité elles ont été un peu plus musclées pour le jeune Jean-Luc qui se voyait bien en chef d’orchestre, peintre ou poète. « On m’a dit : tu seras pâtissier. À 15 ans, BEPC en poche, je suis parti en apprentissage, et là, j’ai eu une chance inouïe ».
La chance de faire les bonnes rencontres
Sa chance à Jean-Luc, c’est d’avoir fait les bonnes rencontres. Et de citer pêle-mêle son premier maître d’apprentissage, Jacques Labarbe de la Maison Andrieux à Pau qui « m’a fait aimer ce métier », des chefs comme Yves Camdeborde, Nicolas Magie, Jean-Marc Notelet, Vivien Durand « je prend un plaisir énorme à discuter avec les chefs. Cela m’a beaucoup ouvert l’esprit », et puis bien sûr son épouse Nathalie « une femme extraordinaire, d’une grande sagesse. Elle est le contraire de ce que je suis ».
À la mort de son père, pourtant, le ciel lui est tombé sur la tête « j’ai eu besoin de prendre l’air ». À 30 ans, il part se former chez Lenôtre et Pierre Hermé, se dit qu’il n’est peut-être pas si mauvais que ça, décide de tout balayer pour lancer ce qu’il appelle sa gamme parisienne : « une gamme de pâtisseries sophistiquées au prix de la campagne, des gourmandises haut-de-gamme conçues avec des produits nobles, mais qui restent accessibles à tous ». Dans la foulée, il dépose certaines de ses créations, à l’instar du Pavé béarnais, une très jolie confiserie en forme de délicat mille-feuille de guimauve et de pâte de fruit. Le chocolat gagne aussi du terrain. Ses tablettes gourmandes aux emballages soignés et graphiques se collectionnent comme de petits livres, autant pour leur esthétique que pour leur saveur : des grands crus, mâtinés de ganache caramel-framboise, d’éclats de maïs grillés et salés, de lait chaud et de miel. Sans oublier son Chuao du Vénézuela « pour moi, le meilleur chocolat du monde ». C’est vrai qu’on a du mal à donner tort à Jean-Luc Constanti sur ce point…
Le sucré comme terrain de créativité, le pain pour s’ancrer dans l’histoire familiale
Du sucré et du chocolaté à foison et pourtant Jean-Luc Constanti n’a pas perdu de vue de là où il vient : la boulangerie. C’est d’ailleurs par ses pains, et notamment le pain au maïs épicé au piment d’Espelette, qu’il s’est d’abord fait connaître à Paris. « La boulangerie, c’est du feeling. Ici, on fait tout au levain naturel. Et le levain, il faut l’écouter parler, le sentir. C’est comme un bébé. Si vous vous levez le matin et que vous êtes de mauvaise humeur, il va le sentir. Le levain, il faut savoir ce qu’il vous dit au moment où il vous le dit ».
Avec ses 4 magasins, ses 34 salariés, ses projets futurs dont il refuse de parler mais que l’on sent ambitieux, Jean-Luc Constanti n’a peut-être finalement pas grand chose du fou-furieux qu’il aime à décrire, ou alors un fou-furieux teinté de raison. Un juste équilibre d’excès et de sagesse, de déraison et de prévoyance. Il pense d’ailleurs raisonnablement à l’après : « Je veux que mes enfants reprennent, c’est à la fois familial et sentimental. Je ne veux pas que le château de cartes d’écroule. J’ai 50 berges et si je m’accroche, c’est pour mes enfants ». C’est d’ailleurs pour que son bel édifice ne s’effondre pas qu’à Louis, son fils aîné, il n’a pas laissé le choix du métier. Il en rit encore à gorge déployée « mes parents ont fait ça pour moi ! Pourquoi je ne reproduirais pas moi aussi ? Ma fille de 15 ans, elle voudrait être critique gastronomique, reporter ou vétérinaire. Je lui ai déjà dit que dans dix ans, elle serait peut-être avec son frère, à vendre du pain et des gâteaux ». Une manière comme une autre de faire perdurer une aventure familiale de près d’un siècle…
Maison Constanti Espace Zohardia Boulevard des Pyrénées 64400 Oloron-Sainte-Marie tél : 05 59 39 17 63
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.
Partagez moi !
Vous pourriez aussi être intéressé par
Portrait En voyage En voyage
Panettones en série limitée
Portrait Chefs
Et Daniel Humm créa le premier trois étoiles entièrement végétarien. Et puis non, végétalien !
Portrait