Hospitalité Carnet de route

Yvon et Vida, l’ancienne école dans le Languedoc

30.12.14

Ça commençait sérieusement à tirer. On était sur la fin du voyage et ça se sentait. On s’est dirigés vers Marguerittes, à côté de Nîmes. Dernière région, le Languedoc-Roussillon, pour rencontrer Yvon et Vida, deux octogénaires magnifiques, militants d’une agriculture bio avant l’heure.

Quand Yvon et Vida nous ont accueillis, ils sortaient de la sieste. Il a commencé à pleuvoir au moment où on a posé les sacs dans la maison et on s’est installés autour de la table de la cuisine, avec une bière. On a expliqué un peu notre projet et ils nous ont raconté leur vie. C’étaient des vieux de la vieille, sans méchanceté, c’est juste que si l’expression a un sens, c’est bien ici. Ils approchaient les 80 ans et étaient dans une forme incroyable. Ils avaient connus la guerre, « laquelle ?» plaisantait Yvon en se marrant. Ils en gardaient certaines habitudes, alimentaires surtout : « On fait des conserves, on ne sait jamais. »

Révolution verte
Ils avaient connus la révolution verte des années 60. « Avant la guerre, les agriculteurs vivaient avec un hectare, un hectare et demi, ça suffisait à nourrir la famille, ils avaient un ouvrier à la rigueur, et certains saisonniers quand il fallait. Ouais on se faisait chier à biner la terre, à manier les outils. Après il y a eu les tracteurs, tracteurs donc utilisation de carburant, investissements, plus de terres, et puis  après la mécanisation c’était les pesticides, engrais. Ça facilitait le travail, certes mais Vida, elle, voyait les insectes mourir dans les plants de monoculture, autre nouveauté. Son père était d’orientation anarchiste, très tôt elle s’est dirigée vers l’agriculture BIO même si ça n’en avait pas encore le nom.» nous dit Yvon. Lui, a été moine pendant 15 ans dans une communauté monastique. Mais son engagement religieux ne le dispensait pas de ses devoirs civiques et c’est à cause de De Gaulle et des essais atomiques qu’il est sorti du monastère. Il était militant anti atomique, ce qui n’était pas vraiment compatible avec la vie monastique, il a dû choisir. Il a eu diverses expériences dans les communautés.
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Bio avant l’heure
Tous deux étaient militants de la première heure, engagés notamment dans les embryons des premiers groupements d’achats BIO, ce qui a donné ensuite les BIOCOOP et aussi dans les débuts des CIVAM. On est parti avec Yvon cueillir des framboises dans l’immense jardin. Pendant la cueillette, il me parlait de sa vie en communauté, de la communauté de Longo Maï. D’après son expérience, « la vie en communauté est assez complexe et pas forcément géniale. On recréé en fait un microcosme de société, comme si la société était passée à la loupe. Les inégalités et difficultés qui vont avec. La seule grosse différence c’est que les conflits ne sont pas gérés à travers l’administration mais en direct, en face à face, ce qui les rend plus violents. »
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Sur le perron de la maison,  en attendant le diner, Yvon fumait sa pipe, moi ma clope et Siméa était assise sous l’arbre. On discutait des contraintes BIO, des contraintes techniques et administratives. De l’évolution de l’agriculture, du 2,4,5-T qu’on utilise dans les champs, aussi appelé Agent Orange pendant la guerre du Vietnam. On utilisait ça pour faire pousser ce qu’on mangera plus tard… La question selon lui était assez simple : « Si on utilise de l’engrais naturel comme du fumier, ce dont on a besoin sera mélangé à d’autres trucs dont on n’a pas forcément besoin. Donc, si on a besoin de potassium ? Et bien pourquoi pas utiliser les engrais de synthèse ? » Hop, voilà un sachet de potassium. C’est aussi simple que ça. Mais pour lui, il fallait respecter la nature, la terre, ses rythmes et les saisons, le sol. Dans un gramme de terre, on trouve quatre milliards d’êtres vivants. Evidemment, respecter la Terre, c’est plus difficile et eux n’ont pas fait fortune, par contre ils ont eu leur lot d’avantages humains.
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Jardin méthode Stolner
Le matin, Yvon nous a fait visiter leur jardin. Un grand potager devant la maison. Il ne faisait pas beau, l’Hérault était en vigilance orange et des hirondelles s’alignaient en rang sur les lignes à hautes tensions par centaines. Un grand rassemblement d’hirondelles comme ils en avaient pas vu depuis longtemps. Yvon nous a dit que c’était pour le covoiturage pour déconner. Le jardin était joli, avec des fleurs un peu partout. Ils aimaient bien le côté sauvage mais gardaient très proche l’aspect rationnel du jardin. Ils essayaient la méthode Stolner, qui s’inspirait de l’humus de la forêt. Il fallait couvrir le sol pour le garder en bonne santé. Ils avaient de tout dans ce jardin et notamment vingt fruits différents : poire, pomme, cerise, abricot, pêche, figue, amande, olive, raisin, prune, jujube, grenade, kaki, framboise… Yvon n’arrivait pas à se souvenir de tout.
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Une ânesse de vingt ans se trouvait dans un enclos, pas loin des poules tandis que les légumes s’étalaient dans une autre partie. Un tunnel, fait d’une grande bâche, couvrait quelques autres. A côté de leur jardin se trouvait un jardin partagé par trois personnes mais ça ne marchait pas comme ils l’auraient voulu, les trois n’étant pas toujours présents et pas très ordonnés. « Un jardin ça demande de la préparation, de la réflexion » me précise Yvon. Dans la maison, Vida préparait une pizza avec de la farine kamout, ancienne variété d’Egypte, mais la pâte était bizarre. On a mangé une ratatouille du jardin extraordinaire avec la pizza à la farine Kamout pas mal non plus ! Le temps de faire la sieste et Yvon nous emmené à la sortie de l’autoroute Nîmes Ouest pour qu’on fasse du stop jusqu’à Montpellier.
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On a réussi à arriver à Le Crès, juste à côté de Montpellier. A Louhans, on avait été accueillis par Eliane, la grand-mère de Siméa. On avait pu y goûter le fameux poulet de Bresse et les corniotes. Là c’était son frère qui nous accueillait chez lui, dans une belle et grande maison de la banlieue de Montpellier. Il nous a cuisiné une bourride de lotte, superbe ! On a visité Montpellier, trainé dans les petites rues et sur les terrasses. La fougue du début n’y était plus. Il ne nous restait que quelques jours avant la fin du périple.

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