Hospitalité Carnet de route
La crème de la crème : débarquement en Normandie !
On est arrivé à Evreux en covoiturage. Le gars qui nous y a amené, y habitait depuis un moment mais ne montrait pas un grand intérêt pour sa ville. Lorsque je lui demandais ce qu’il y avait à voir sur Evreux il haussait les épaules en faisant la moue : « pas grand-chose ». Il nous a laissé sur un rond-point. Il faisait gris, la ville était silencieuse et un peu triste, on s‘est demandé ce qu’on foutait là et Louise est arrivée avec un grand sourire. C’est une sacrée Louise qui part bientôt faire le tour du monde en solo ! On a passé deux jours chez elle. Elle nous a fait une tarte normande et des escalopes à la normande. Il semblerait que si tu mets de la crème c’est normand. Louise n’est pas vraiment du genre « spécialités » mais en fouillant un peu pour nous accueillir, elle s’est rendue compte qu’elle avait toujours de la crème et du camembert dans son frigo. Et souvent du calva à la maison. Là, bien sûr, elle avait pas de calva… En tant que normande, elle accompagne tout à la crème et s’il n’y a plus rien, il y aura toujours moyen de faire des pâtes à la crème !
La fromagerie d’Annabelle
D’Evreux, nous sommes allés à Pont l’Evêque, dans le but de découvrir la Basse-Normandie. En Basse-Normandie, tout tourne autour du débarquement et de la Seconde Guerre Mondiale, mais aussi autour du fromage : le Pont l’Evêque, le Livarot, le Camembert, le Pavé d’Auge, le Neufchâtel… On est en plein pays d’Auge. Cidre et fromage ! D’ailleurs, on n’a pas très bien compris la différence entre tous. En allant à l’office de tourisme, on a trouvé une carte avec plein de producteurs régionaux et aussi une adresse : la fromagerie d’Annabelle. Une fromagerie pas bien grande mais très fournie. Annabelle Leplé, la responsable, nous a expliqué qu’il y avait quatre appellations protégées, pas beaucoup de producteurs et qu’il était finalement assez compliqué de se fournir. D’après ces explications, le Neufchâtel est plus salé, le camembert est le plus connu. Ce sont tous des croûtes fleuries, des fromages au lait de vache. Le Pont l’Evêque et le Livarot sont plus typés même s’ils restent assez proches. Le village de Camembert serait apparemment sympa à aller visiter : trois maisons et une église. En plus pour y aller on passe par Livarot. On n’aura pas le temps mais c’est bon à noter. Elle nous a parlé également de la confiture de lait, une spécialité de Crèvecœur. Sur ce, un caviste est arrivé. Le calvados et le cidre, ça nous parle à peu près mais le pommeau ? C’est du cidre mélangé à du jus de pomme. Il existe aussi du Poiré, un cidre à la poire et de la fleur de poire ; du jus de poire et du calva. Bon, bon, bon… Pont l’Evêque ne nous a pas enchanté … Il y a des coins comme ça parfois ! Trop de passage, trop de touristes et trop de couples !
La ferme de Jean-François
Dans les collines qui surplombaient l’autoroute, on a repéré une ferme où l’on a décidé d’aller. On est entré. Après quelques instants, un type assis sur un tracteur est entré, avec le tracteur, et tout sourire. Surpris de nous voir ici, il est venu nous dire bonjour. On lui a expliqué le projet du tour de France et on lui a demandé si on pouvait dormir par ici. Il nous a donné l’autorisation de planter la tente sur son terrain, un peu plus haut. Puis vu qu’il faisait plutôt beau (et que ça nous arrive pas souvent en ce mois de juillet) on s’est baladé dans les bocages normands. Du côté de Saint Julien sur Calonne, nous sommes allés jusqu’au village. Les vaches broutaient paisiblement, les pommiers prenaient leurs bains de soleil, il faisait bon. Une ferme, vieille du XVIIème, vendait des produits fermiers et vu qu’on avait rien à manger pour le soir, on a tenté notre chance. Dans la ferme, il y avait surtout de l’alcool : le fameux pommeau, du cidre, du calva, du poiré mais pour manger, que dalle ! On a tout de même pris un Pont l’Evêque et une bouteille de cidre. Il nous restait des pommes que Louise nous avait gracieusement offertes. A côté des vaches, en face de notre tente, on a mangé un Pont l’Evêque à la main, sans pain, avec du cidre et des pommes. Jean François, notre hôte, est arrivé dans la soirée voir si tout allait bien et on s’est donné rendez-vous le lendemain pour le café pour qu’il nous explique un peu ce qu’il faisait. On a dormi sous des trombes d’eau.
On s’est réveillé a huit heures. Tout était trempé, même le fond de nos sacs, les carnets de Siméa et mon livre de Lévi-Strauss. On a rejoint Jean-François, le fermier. Il fait de l’élevage bovin, élève des vaches et en tire du lait et de la viande. Il possède aussi des terrains agricoles et du blé, pour nourrir les animaux. Une ferme, ce n’est pas si simple ; ça demande beaucoup de travail. Il bosse de 8 heures à 21 heures, parfois 22 heures, tous les jours, sauf le dimanche, seul jour où il fait le minimum car il faut bien nourrir les bêtes et les soigner. Le problème des exploitations, nous explique t-il, c’est la terre. Ça ne se trouve pas comme ça. Il faut les acquérir ou elles se transmettent de génération en génération. Lui, c’est son grand-père qui a acheté la ferme. Avec ses voisins, il tente de récupérer des terres mais ce n’est pas évident, la ville grignote les terres que les paysans pourraient avoir. Et puis, il faut payer les factures, le foin, le matériel. Ça coûte tout ça. Jean-François nous montre sa ferme avec entrain, le sourire et pas mal d’énergie. Il est seul pour s’occuper de tout ça. Son père et un voisin l’aident de temps en temps mais la majeure partie du boulot, c’est lui qui le fait. Il nous montre un peu tout en nous expliquant comment ça se passe. C’est marrant, parce qu’on sent que pour lui c’est une évidence alors que pour nous, petits banlieusards… Par exemple, comment ça se passe pour tuer les bêtes ? Et bien l’abattoir vient les chercher, ils paient le fermier et ils s’occupent de tout. Le prix est fixé à l’avance, mais il se peut que des désaccords arrivent entre les différentes parties. Certains abattoirs font trainer les choses tandis que les prix baissent de jour en jour.
Les bêtes sont nourries de maïs, blé, soja. Ça se fait en tracteur avec quelque chose derrière qui verse le mélange devant l’enclos des vaches laitières sous un hangar. C’est un complément à l’herbe qu’elles mangent. Alors qu’il nous explique tout ça, simplement, les vaches s’ébattent sous le hangar à côté de nous. C’est baston pour manger. Un taureau massif se balade dans son harem. Ça sent le foin, la bouse, la pisse et l’humidité. Les vaches pataugent dans leurs diverses déjections. Jean-François possède 250 bêtes, dont une trentaine de vaches laitières, une soixantaine de mâles qui sont réservés à la viande. Il nous paie un chocolat chaud au lait de ferme délicieux et du café chez ses parents avec qui il vit, dans une maison à deux pas de l’exploitation.
On lui demande ce qu’est l’élevage intensif. « Rajouter un max de trucs pour faire pousser plus vite, pour accélérer le mouvement naturel, en vouloir toujours plus alors que l’élevage extensif est de respecter le rythme naturel des choses, de se contenter de ce qui arrive », nous explique-t-il. Il n’est pas pour le bio, qui, d’après ce qu’il nous dit, est très compliqué à mettre en place et c’est très dur pour s’en sortir en tant qu’agriculteur ou éleveur. Lui, se définit dans une agriculture raisonnée, qui est la tendance du moment. Il a une grosse exploitation mais n’en veut pas plus car c’est déjà pas mal de boulot. En plus, y a tout l’administratif dont il s’occupe quand il pleut. L’agriculture est sujette à la météo. On a repris la tente, on l’a pliée tant bien que mal et on est reparti direction Pont l’Evêque.
Et pour tous ceux qui ne savent plus très bien où sont les villes que découvrent nos deux compères, voici une carte pour mieux se repérer.
Fromagerie d’Annabelle
11, rue Hamelin
14130 Pont-l’Evêque
Ouverte le mercredi, jeudi, vendredi et samedi
de 9 h à 12 h 30 et de 15 h à 19 h
le dimanche, de 9 h 30 à 12 h 30
tél. 02 31 65 54 37
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