Curieux d’en apprendre un peu plus sur l’action du mouvement à l’escargot? « Le grand guide Slow Food des produits du terroir français » qui sort en librairie est l’occasion d’en savoir plus sur l’Arche du Goût, catalogue de biodiversité agricole et alimentaire qui, depuis 1996, répertorie les races animales, variétés végétales et savoir-faire artisanaux menacés de disparition. Par-delà l’inventaire à la Prévert, le livre invite à une balade à travers la France et, chemin faisant, à la réflexion.
Ces routes-là, je les ai empruntées à l’été 2016. A l’époque, Slow Food accélère l’identification des produits menacés afin d’attirer l’attention sur l’effritement du patrimoine (agri)culturel à travers le monde. Grâce au soutien de Relais & Châteaux et à l’engagement de militants et sympathisants, le nombre de passagers de l’Arche française triple alors en quelques mois.
Causes et mécanismes de déclin
Au fur et à mesure des recherches, les réflexions sur les causes et mécanismes de déclin s’enrichissent. Toujours d’actualité, elles constituent une grille de lecture intéressante de ce « Grand guide ». Il y a bien sûr le tournant que l’agriculture a pris au sortir de la seconde guerre mondiale. Spécialisation des régions et des fermes, course à la productivité, standardisation… : ces phénomènes ont touché les agriculteurs mais aussi le vivant avec lequel ils travaillent.
Bovins et ovins ont ainsi été classés en races à viande et races à lait, et les moins adaptés au modèle industriel progressivement abandonnés des élevages. Les végétaux quant à eux ont été sélectionnés pour répondre aux critères de l’agroalimentaire et de la grande distribution (rendement, uniformité, résistance au transport…) et s’adapter aux pratiques culturales modernes alliant phytosanitaires et mécanisation.
Sauvegarde de la biodiversité alimentaire
Pour d’autres produits, ce sont leurs racines populaires qui ont signé leur perte. C’est le cas, par exemple, des charcuteries à base d’abats telles que le melsat, sorte de boudin blanc du sud de l’Aveyron et du Tarn à base de pain rassis et de bas morceaux de porc (notamment la rate, melsa en Occitan).
Un peu plus au nord, entre Aveyron, Lozère et Cantal, la tuerie du cochon a donné lieu à une autre tradition charcutière : lou pastre, sac d’os ou lou schadoche selon les lieux, cet imposant saucisson est fabriqué à partir des parties osseuses du porc, puis mis à sécher pendant plusieurs mois. Sa préparation (en potée ou pochée dans un bouillon) nécessite ensuite 3 heures de cuisson. Autant de spécialités qui peinent à survivre face à l’esthétique et à la pratique actuelles de l’alimentation.
Persillé des Aravis et bleu de Termignon
Initialement créé pour protéger le producteur des contrefaçons, le système des appellations a largement permis, dans un premier temps, d’éviter une telle hémorragie dans le monde des fromages. Longtemps garantes de qualité, elles ont apporté un réel soutien à ces productions, comme le montre la fragilisation de celles restées à la porte de l’INAO tels que le persillé des Aravis, le bleu de Termignon ou encore la tome de la Brigue pour n’en citer qu’une poignée.
Puis, au fil du temps, les AOP sont devenues la feuille de vigne des géants du lait, comme l’explique très bien Véronique Richez-Lerouge dans son livre « Main basse sur les fromages AOP ». Derrière l’image de marque, ont peu à peu disparu de certaines AOP des pratiques qui avaient fait la typicité et l’histoire de ces fromages : la fabrication au lait cru bien sûr, mais aussi la transhumance en estives ou alpages, la production fermière (par opposition à celle en laiterie), l’utilisation de lait de races autochtones au territoire, sans parler de l’usage des ferments lactiques indigènes.
Paysages et territoires
Il serait réducteur de parcourir ce livre à la recherche de la perle rare inexplicablement exclue du panthéon des produits du terroir et à laquelle il s’agirait de (re)donner ses lettres de noblesse. Il faut plutôt porter sur ces pages un regard d’ethnographe et, ce faisant, redécouvrir le patchwork de civilisations que constituent les territoires français.
Le produit est fils d’un « pays », des paysages qui le dessinent, des hommes et femmes qui l’habitent, de la culture qui les anime et de la langue dans laquelle l’agriculture et l’alimentation — notamment — se racontent. De cette lecture émerge alors une idée, celle que la vocation des territoires pourrait bien être un point de départ pour imaginer l’agriculture de demain.
Le grand guide Slow Food des produits du terroir français Éditions Plume de Carotte, 21€
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