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Carnets de festins imaginaires écrits dans les camps de concentration
Camps de concentration nazis et camps de travail soviétiques ou chinois ont abrité toutes sortes d’activités où l’imaginaire restait au pouvoir. La documentariste Anne Georget a ainsi réalisé « Festins imaginaires » à partir d’incroyables carnets où nourriture rime tout aussi bien avec évasion que testament. Ces pièces, jamais présentées auparavant, font partie de l’exposition « Évasion, l’art sans liberté » qui ouvre le 7 avril prochain au Musée International des Arts Modestes de Sète.
Anne Georget ne s’y est pas trompé quand elle a réalisé son film « Festins imaginaires » en 2015. Il lui a fallu convoquer philosophes, anthropologues, psychanalystes, historiens et neuroscientifiques pour explorer tous les recoins de l’humain en situation d’extrême privation et ne pas s’arrêter à des interprétations univoques. Tout a probablement été dit et écrit sur les situations concentrationnaires, mais les carnets de prisonniers, entièrement consacrés à des recettes posent des questions autrement plus complexes que la simple privation matérielle de nourriture.
Ce sont des centaines, des milliers de recettes, que des déportés de toutes origines ont réuni dans de petits carnets, prenant pour cela d’énormes risques. Cachés dans les familles depuis des décennies pour la plupart, ces carnets sont exceptionnels car rares sont les documents produits dans le quotidien de la captivité et de l’anéantissement. Ils enfreignent les représentations de la déportation. De ces recettes aux titres parfois mystérieux − « Cake milky way », « Marrons St Hubert », « Gesundheit Kuchen » … − émerge une dimension proprement universelle. Souvenirs ? Nourritures ? Rêves ? Testaments ? Evasions ?
La recette, ses ingrédients, la nature qui les produit, l’imaginaire qui les associe ne sont pas seulement des représentations des nourritures terrestres mais sont ici sublimés pour produire un geste d’écriture, une activité interdite, une échappée imaginaire du prisonnier. «Conçues dans un univers déshumanisé entre tous, ces recettes semblent avoir été, pour ceux qui les ont écrites, un moyen vital de résister à la destruction, de fabriquer du sens au milieu du chaos, de convoquer l’humanité.» précise Anne Georget au sujet de ces carnets. Et si l’on admet comprendre un peu les motivations de celui-ci, plus mystérieux encore est le statut de lecteur, dans les camps, puis dans les familles où ont été conservés ces carnets et désormais pour le visiteur d’exposition.
Exposition du 7 avril au 23 septembre / MIAM à Sète. Plus d'informations ici
Photo de Une : Carnet de Marcel Letertre
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