La France, pays des fromages : une histoire millénaire de diversité et d’innovation

On ne va pas bouder notre plaisir cocorico. S’agissant des fromages, il va être difficile de nous disputer la médaille d’or. Mais cette image est-elle fondée sur la diversité de ses fromages, leur place dans la gastronomie, ou leur importance économique ? Ce questionnement est au cœur de ce livre érudit qui explore 2 000 ans d’histoire en cinq périodes distinctes, de l’Antiquité au XXIe siècle, soulignant comment les fromages sont devenus un élément central de l’identité française. Ce parcours historique met en lumière l’évolution des techniques de fabrication, les influences culturelles et les débats autour des méthodes traditionnelles versus modernes.

On y apprend par exemple que dans la première moitié du Moyen Âge, le fromage apparaît comme un élément central de la culture et des légendes locales. Sous Clovis, premier roi des Francs baptisé en 496, le fromage est mentionné dans des anecdotes marquées par des rites païens et des pratiques chrétiennes naissantes, illustrant les tensions et les syncrétismes religieux de l’époque. Grégoire de Tours raconte comment des paysans de l’Aubrac jetaient des fromages dans un lac lors de cérémonies païennes, une tradition qui aurait perduré malgré les tentatives d’évangélisation. Charlemagne, autre figure majeure, est également associé à une légende fromagère. Lors d’une visite, il découvre un fromage exceptionnel, que certains historiens associent au roquefort ou au brie, bien que son identité exacte reste mystérieuse. Ces récits, souvent ancrés dans le mythe, montrent comment le fromage commence à s’inscrire dans l’imaginaire collectif français, mélangeant histoire et légende dans une narration captivante qui perdure jusqu’à nos jours.

Entre l’an mil et la fin du XVe siècle, les fromages commencent à sortir de l’anonymat, se distinguant progressivement dans la société médiévale. Cette période est marquée par le développement des grandes abbayes, qui ont longtemps été considérées comme les principales créatrices de fromages. Cependant, les historiens actuels réhabilitent le rôle des paysans dans cette histoire, révélant que l’élevage et la production laitière étaient déjà bien implantés avant même l’influence des monastères. Divers documents de l’époque, tels que le « Journal d’un bourgeois de Paris », montrent que le fromage était un aliment essentiel, même dans des périodes de pénuries et de famines causées par les guerres, les épidémies et le « petit âge glaciaire ». La production fromagère était souvent intégrée à l’économie locale, notamment via des redevances en nature et des pratiques pastorales bien définies. Les échanges entre nobles, paysans et ordres religieux, ainsi que les défis climatiques et sociaux de l’époque, ont façonné une culture fromagère riche, annonçant l’essor des fromages comme produits identitaires et régionaux, dont la renommée commence à s’étendre au-delà des frontières locales.

On ne va pas vous divulgacher tous les chapitres de cet ouvrage qui regorgent tous de surprises et à toutes les époques. jusqu’à un colloque à Aurillac en 2023 qui met en avant les bienfaits des fromages au lait cru, soutenant une politique publique plus holistique qui pourrait les inscrire au Patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO.

Si le livre de Maggy Bieulac Scott est de ceux où l’on apprend beaucoup, il n’oublie pas pour autant, à l’image de sa photo de couverture, que les fromages sont aussi des fêtes du goût un peu partout dans nos régions qui participent à un vivre ensemble, so french.