Culture food Festival

Il manquait aux festivals culinaires la richesse de tout un continent, Marseille a invité l’Afrique

08.03.24

La semaine dernière, Marseille accueillait la première édition des Rencontres des Cuisines africaines portée par Les Grandes Tables et Chefs In Africa. Deux journées intenses, où plus de 70 acteurs ont partagé avec le public bonnes idées et bonnes recettes.

©Yaovi ADO

Rappelons en nécessaire préambule que l’Afrique, souvent appréhendée comme un continent homogène, est riche de 54 pays et d’environ 2 000 groupes ethniques qui y parlent quelques 1 500 langues. Et bien sûr, l’alimentation étant un miroir culturel, la variété des cuisines que l’on y déploie est une tautologie. La première édition de ces Rencontres était donc avant tout l’occasion de montrer et de promouvoir cette diversité, loin de l’idée reçue occidentale, mais aussi de comprendre comment, à travers leurs identités nationales respectives, les acteurs culinaires du continent vivent et définissent leur africanité.

Tout a commencé à la fin de l’année 2020 avec la Saison culturelle Africa2020 (portée par l’Institut français), qui a permis de créer un espace de collaborations dans les arts, les sciences, l’entreprenariat, les technologies et l’économie. C’est ce réseau d’acteurs – ici de l’alimentation – venant des quatre coins de l’Afrique, mais aussi de ses diasporas européennes et américaines, qui a débarqué à Marseille sous la houlette d’un coordinateur de la plus haute compétence : Axel Mbetcha Tiezan.

D’origine camerounaise, ce Marseillais d’adoption cumule en effet un diplôme de l’Institut Lyfe de Lyon (anciennement Institut Paul Bocuse ) et a fondé en 2016 la plateforme Chefs in Africa, qui réunit plus de 4 000 chefs cuisiniers représentant justement 54 pays d’Afrique, et non pas l’Afrique. En l’occurrence, pour préparer ces Rencontres, Axel Mbetcha Tiezan a voyagé pendant plusieurs mois à la rencontre des acteurs culinaires et agricoles de sept pays en particulier : le Sénégal, l’Algérie, la Tunisie, le Togo, le Gabon, São Tomé et le Cameroun.

Alors pourquoi Marseille ? D’abord parce que c’est là que se trouvent Les Grandes Tables, à la Friche de La Belle de Mai. “Le défrichage fait partie des mots qui sont propres aux Africains” nous explique Axel. En plus, parce que naturellement Marseille est un territoire où sont représentés, à travers les diasporas, plusieurs pays d’Afrique comme les Comores et le Sénégal. Réel laboratoire des cultures culinaires africaines, cette ville entre en connexion avec le continent en cherchant à créer une vraie coopération.

Les cuisines se déplacent avec les hommes, qui conservent des bases identitaires fortes et les diffusent, tout en créant de nouvelles identités fortes.

Axel Mbetcha Tiezan

Pour Axel, il est important de faire comprendre que ces rencontres doivent témoigner d’un rapport aux cuisines composé de différentes écoles. Certaines, plus traditionalistes, vont défendre une cuisine héritée des grands-mères et des traditions ancestrales en général, d’autres font le choix d’une afro-fusion, c’est-à-dire d’un mélange entre la cuisine africaine et celles qui mijotent ailleurs dans le monde, mais aussi celles qui révèlent un mélange entre différents traits de la cuisine du continent africain. Ce grand ensemble réunit aussi les avant-gardistes, qui utilisent dans leur cuisine des techniques modernes mâtinées de l’usage

d’anciens objets culturels comme le pilon ou le mortier notamment. On aurait donc tort d’aborder ces cuisines à travers le prisme d’une seule et même doctrine, alors qu’en réalité c’est plutôt d’une “démocratie de créativité culinaire” dont il s’agit. Parce que finalement “le fil conducteur c’est la créativité” insiste Axel. Il existe toute une gestuelle, une manière de manger et de penser la cuisine, avec des us et coutumes propres à chaque société et à chaque acteur du continent : le nom d’une épice, les limites à la codification de chaque cuisine africaine, l’utilisation du manioc…

Avec plus de 70 acteurs culinaires rassemblés, l’événement a été un franc succès. En témoignent les retours positifs des participants, du public, mais aussi de partenaires institutionnels importants pour la suite comme l’Agence française de développement (AFD) et son campus, et bien sûr la Ville de Marseille. “Maintenant, il s’agit de dresser un bilan et de voir les perspectives qui s’offrent à nous”, conclut Axel, qui associe ces rencontres à une “révélation” du potentiel et des envies de la part des acteurs, désireux d’une encore plus grande fédération. À terme, l’idée est de pouvoir imaginer ensemble des actions dans le domaine de la formation et de l’entreprenariat culinaire, mais aussi de réaliser des livres de cuisine et des événements culinaires. 

Et si vous avez près de 9 heures devant vous, on peut tout revoir ici !

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