Chronique La chronique de Camille

Mange ton climat

17.09.18

La semaine dernière, j’ai marché pour le climat. Nous étions nombreux. Pas du tout encore assez, mais beaucoup plus qu’on aurait pu penser…

La place de l’Hôtel de Ville, point de ralliement et départ du cortège parisien, était noire de monde. La police n’avait visiblement pas estimé l’ampleur du rassemblement, car il trainait ça et là des voitures immobilisées, ensevelies dans la foule. Les automobilistes, verts de rage, n’osaient pas trop la ramener quand même, entourés qu’ils étaient de militants écolo à pied.

La foule était impressionnante et les pancartes, bouts de carton recyclés ou grandes banderoles, très diversifiées. Quantité de formules faisaient référence à l’alimentation. Il y avait la « bec sucré » : « Sauvons la planète, c’est la seule avec du chocolat » ; sa déclinaison alcoolisée : « Sauvez la terre, c’est la seule planète qui a de la bière » ; la viandarde : « Ton climat, à point ou saignant ? » ; la pagnolesque : « La fonte des glaces oui, mais que dans mon pastis » ; la radicale : « L’argent ne se mange pas » ; la viennoise : « On ne veut pas faire du beurre, on veut être dé-croissants »… Un peu tirée par les cheveux, celle-ci, mais scandée avec tant d’enthousiasme par ses auteurs que je n’ai pas osé leur dire qu’un croissant, ce n’est justement bon qu’avec du beurre…

Tout en marchant, je me réjouissais de ces belles énergies, de cette foule motivée et bariolée, de tous ces gens et surtout ces jeunes qui veulent changer la donne, qui savent que leur futur en dépend – du fait que peut-être enfin, les citoyens se réveillent, que ce n’est que le début, que tout n’est peut-être pas encore totalement foutu, qu’on peut renouer avec la nature et avec notre humanité, qu’on peut être solidaires, joyeux, pacifistes, épicuriens. Et que tout cela va ensemble. Et puis, tandis qu’on battait ainsi le pavé avec ferveur, entonnant à tue-tête les slogans criés ça ou là, j’ai croisé la route d’un père et de son fils qui marchaient en sens inverse, visiblement pas trop au fait de l’actualité. L’ado a demandé « C’est quoi papa cette manif ? » et l’autre lui a répondu, d’un air agacé « Oh, ça, c’est des végans ». Cela m’a laissée sans voix. Puis ça m’a énervée qu’on me traite de végan.

Trottoir de la malbouffe

La marche se terminait Place de la République. Ironie du sort, le cortège s’éparpillait devant ce que j’ai surnommé « le trottoir de la malbouffe », soit l’enfilade de fast-foods la plus indigeste qui soit, au coin sud-ouest de la Place. Burger King, KFC, MacDo, Hippopotamus, Buffalo Grill, côte à côte, bradant les barbaques bas de gamme en veux-tu en voilà. A ce propos, je me suis toujours demandé comment la ville avait pu autoriser telle concentration d’enseignes infâmes sur si peu de mètres linéaires. A l’intérieur, les amateurs de burgers et sodas observaient, interloqués, notre foule militante inondant la place. Il n’y avait pas grand monde dans les restaurants, mais j’ai cru apercevoir quelques marcheurs quitter le cortège pour entrer au MacDo.

Je me suis dit qu’on n’était pas sortis de l’auberge, littéralement. Peut-être ai-je eu la berlue. La plupart des manifestants sont allés se restaurer aux camions et triporteurs qui occupaient justement le terre-plein central de la Place, pour un festival de « Street Food ». Espérons que la provenance et la qualité des mets étaient plus respectables que celles de ces grandes enseignes de restauration industrielle. Car après tout, pour paraphraser Brillat-Savarin, l’évolution du climat, l’état de la planète, mais surtout la destinée des nations (et de notre civilisation) dépendent de la manière dont nous nous nourrissons.

 

 

 

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