Pour cette première chronique, j’ai pensé qu’il était bon de revenir sur une nouvelle de l’été qui a fait grand bruit, sous le nom de « procès Monsanto ».
Alors, on sait bien que grand bruit médiatique, surtout pendant l’été, n’équivaut pas toujours à événement historique. Mais dans le cas du procès Monsanto, on a tous les éléments d’un tournant de l’histoire majeur. Pour plusieurs raisons qui ont à voir avec l’ébranlement de l’économie de tout un système mais aussi avec la recherche de la vérité scientifique par les citoyens et les juges ou les citoyens avec les juges.
Que s’est-il donc passé le 10 août dernier au tribunal de San Francisco pour que l’on puisse retenir le nom de Dewayne Johnson, un modeste jardinier de 46 ans ayant abondamment utilisé le Roundup, désherbant vedette de Monsanto, pendant deux ans, et qui est aujourd’hui atteint d’un cancer incurable du système lymphatique ?
Il s’est d’abord passé que ce monsieur a fait condamné Monsanto, tenez vous bien, à 290 millions de dollars de dommages. Vous me direz, c’est finalement peu de choses pour une multinationale qui vient de se vendre plus de 60 milliards de dollars au géant allemand de la chimie Bayer. C’est pourtant pas ce que pensent les actionnaires de Bayer qui savent que avant même le procès, 8.000 plaintes étaient déjà déposées au États-Unis et qui ont constaté le lendemain du procès que l’action Bayer perdait plus de 10%.
Mais le vrai tournant historique ne vient pas à mon sens que de l’économique, mais bien du rapport entre le juridique et le scientifique. Je m’explique. Il s’agit d’un procès avec des jurés tirés au sort. Ceux-ci ont siégé pendant plus d’un mois pour au fond, un seul objectif : déterminer le caractère possiblement cancérigène des produits au glyphosate de Bayer-Monsanto. Et tout est dans ce « possiblement ».
Les avocats de Bayer-Monsanto étaient pourtant armés jusqu’aux dents avec, excusez du peu, 800 études scientifiques auxquelles on peu ajouter les conclusions de la très sérieuse agence américaine de la protection de l’environnement, celle de la tout aussi réputée Autorité Européenne de Sécurité des Aliments qui, toutes, soutiennent que le glyphosate ne cause pas de cancer.
Mais les avocats de Dewayne Johnson ont produit au procès ce qu’il convient d’appeler les « Monsanto papers », documents internes révélés par plusieurs organes de presse, dont le quotidien Le Monde pour la France. Et ces documents décrivent une activité fort méconnue jusque là de Monsanto : le ghostwriting – littéralement « écriture fantôme ». C’est une pratique qui consiste, pour une entreprise, à faire rédiger par ses propres employés des textes et des études, endossés ensuite par des scientifiques sans lien de subordination avec elle, souvent célèbres et, évidemment, plutôt bien payés.
Ainsi, le doute s’est introduit chez les citoyens, et pour longtemps me semble-t-il, sur les vérités scientifiques version Bayer-Monsanto ou demain version d’une autre grande multinationale qui se préoccuperait plus de ses actionnaires que de notre santé. Doute qui a permis à Nicolas Hulot, Ministre de la Transition écologique et solidaire, de qualifier désormais l’affaire Monsanto de, je cite, «cas d’école du principe de précaution».
Les Bonnes Choses du 2/09/2018 – À table ! 200 ans de repas des Français au jour le jour
Pour cette première émission, Les Bonnes choses vous invitent à la visite de l’exposition « Manger à l’œil » au Mucem à Marseille, en compagnie du chef et historien Emmanuel Perrodin. Une exposition qui présente 200 ans de photos des repas des Français, des repas du dimanche aux repas du quotidien. Autant d’images pour décrire « l’histoire singulière du rapport des Français avec leur repas » et signées Nicéphore Niépce, les frères Lumières, Henier Cartier-Bresson, Marc Riboud, Martin Parr…. et tant d’autres.
Invités
Visite de l’exposition photographique « Manger à l’œil » au Mucem à Marseille en compagnie du chef et historien Emmanuel Perrodin.
Chroniques
L’exposition « Manger à l’œil » se tient du 20 juillet au 30 septembre 2018
La Madeleine de… Alain Mabanckou, romancier.
Et La Cerise sur le Gâteau, la chronique de Pierre Hivernat « Le procès Monsanto ».
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