Et bien cette semaine, je profite des interrogations soulevées par nos invités pour rappeler à une date importante pour notre patrimoine culinaire : le 16 novembre 2010. Et oui, c’est ce jour-là que Nicolas Sarkozy, alors Président de la République, annonçait que le repas gastronomique des français venait d’être inscrit par l’Unesco au Patrimoine immatériel de l’humanité.

Alors arrêtons-nous un instant sur les termes de cette révolution : d’un côté, repas gastronomique des français, et de l’autre, patrimoine immatériel de l’humanité. Pour ce qui est du repas gastronomique, à bien lire le texte de l’honorable institution onusienne, on constate que celle-ci n’a pas classé la gastronomie dans son acception populaire où elle représente la cuisine haut de gamme élaborée par des chefs élevés au rang d’artistes, mais bien la mise en discours de règles, de lois du manger et du boire (du grec nomos) qui convergent vers l’estomac (le gastèr), c’est l’étymologie même du mot gastronomie. Ce que les sages Onusiens ont eu à débattre n’était donc ni les plats, ni la nourriture, mais la « pratique sociale ». Dans le dossier de présentation, la France soulignait d’ailleurs que cette pratique avait un sens et des rituels bien précis, de, je cite : « la recherche de bons produits à l’esthétisme de la table » et également, tenez-vous bien : « aux conversations ». Notre repas serait même, toujours selon le même document, une occasion de « s’ouvrir à la connaissance de l’autre, au dialogue interculturel, à l’amitié entre les peuples. » Et tout ça ferait donc « patrimoine immatériel ». Wouaaaah, rien que ça !
Donc, on se résume : sans ce classement, s’agissant de gastronomie, on pourrait s’intéresser aux arts de la table et aux ustensiles, aux contenants, bref, à du matériel physiquement archivable, mais grâce à Sarkozy et à l’Unesco, on se doit désormais d’archiver également les discours sur le contenu des assiettes et les pratiques sociales qui vont avec, par nature éphémères et évolutifs, comme nos invités viennent parfaitement de nous le démontrer.
Et si nous comprenons tous que nombre de Conservateurs de musées prennent soin de notre patrimoine de vaisselle de Sèvres ou des centaines de menus magnifiquement archivés à la Bibliothèque de Dijon, plus complexe est de déterminer quels sont les gardiens de notre patrimoine immatériel.
Et là, je ne résiste pas à citer ce célèbre aphorisme de René Char : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament ». Ainsi, ce classement patrimonial ne peut entraîner que deux logiques : la sauvegarde et la conservation. La première fait appel à l’incessante revitalisation et hybridation du nouveau avec l’ancien quand la seconde implique la préservation de témoignages fixés dans le temps. Alors dans ces conditions, je dirais : amis du Fooding comme archivistes des Bonnes Choses de France Culture, amis chefs, comme cuisinières et cuisiniers amateurs du quotidien, amis artisans et paysans, ayez bien conscience que le classement de l’Unesco nous oblige et que les discours et récits que les français attachent à leurs nombreuses heures passées à table est un bien désormais universel pour lequel nous devons tous faire acte de Conservation.
Les Bonnes Choses du 19/01/2020 – Marre de la « bonne bouffe? »
Dans une société où chacun cultive sa propre acception du « bien manger », les passages au supermarché tournent souvent au casse-tête, et les repas de famille à l’empoignade générale. Face au normes alimentaires qui se multiplient, comment faire perdurer le plaisir de se mettre à table ?
La cuisine est partout et elle a la côte. Les chefs sont les nouvelles rocks stars. On ne compte plus les couvertures de magazine sur les cuisiniers (comme le Magazine du Monde fin décembre sur « la folie Yotam Ottolenghi » du nom de ce chef anglo-israélien dont les livres sont des best-sellers ou la une de Society le mois dernier intitulée « La grande bouffe »).
Seulement voilà : à l’heure des recommandations pour « bien manger », préserver sa santé tout en faisant attention à la planète, acheter ses aliments et les consommer vire parfois au casse-tête. Manger sain est-il devenu une injonction contemporaine ? Le bien manger est-il compatible avec la notion de plaisir ? Sommes-nous encore libres de nous nourrir comme bon nous plait ? Nous réfléchissons à ces questions avec nos deux invités :
Avec :
Alexandre Cammas, critique gastronomique et co-fondateur du Fooding
Eric Bourliez, sociologue de l’alimentation et ingénieur agronome
Chroniques :
La Cerise sur le gâteau de Pierre Hivernat : « Nos repas dominicaux, un legs français à l’humanité ? »
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