Et bien, aujourd’hui, je voudrais d’abord vous parler d’un événement culturel et patrimonial important qui s’est déroulé voici trois semaines sur la célèbre commune normande de Camembert qui flirte quand même gentiment avec la barre des 200 habitants et où a été enfin installée une statue de Marie Harel.
Et ce n’est que justice quand même ! Sur la commune voisine de Vimoutiers qui tutoie certes, les 3.500 habitants, ils en avaient déjà trois ! Mais que la créatrice du Camembert ne soit pas présente à Camembert, aucun touriste ne pouvait s’y retrouver. Parce que c’est là, qu’en 1791, que cette habitante de Camembert adapta une recette de brie apprise auprès d’un prêtre. Et même si toute cette histoire montre à quel point les fake news n’ont pas attendu les réseaux sociaux, retenons quand même que Marie a été, de fait, la première d’une longue lignée de fromagers, mais qu’aucun n’a imaginé, qu’un jour, leur fromage puisse s’inviter dans les débats européens. Car la vraie histoire du Camembert commence surtout en 1993 quand celui-ci reçu de Bruxelles son Appellation d’Origine Protégée (AOP). Résultat : vous trouvez aujourd’hui dans votre supermarché des camemberts « de Normandie » qui ont l’AOP et des camemberts « fabriqués en Normandie », et la nuance est de taille. Pour les premiers, on compte moins de dix producteurs, fabriquant 5.500 tonnes de fromage par an avec du lait cru local, quand 60.000 tonnes de produits génériques, inondent le marché, pour la moitié du prix. Mais voilà que les industriels veulent changer les règles européennes de cet AOP en passant de l’obligation de 70% de lait local à 30% et en autorisant le lait pasteurisé. Bref, comme le soulignait récemment le Député Richard Ramos en distribuant un camembert à chacun de ses 576 collègues de l’Assemblée, je cite : « En permettant à un machin plâtreux sans goût d’arborer le label au même titre que les véritables camemberts, notre ‘fleuron’ ne sera pas plus intéressant qu’un camembert générique stérilisé fabriqué au Canada, au Japon ou aux États-Unis. »
Oui, mais la pasteurisation est aussi une garantie de sécurité sanitaire, on l’a vu récemment avec la propagation de la bactérie E-Coli et l’interdiction par le gouvernement de la consommation de lait cru pour les enfants de moins de 5 ans.
C’est vrai et c’est un point non négligeable qui doit pousser les producteurs à ne pas trop jouer sur les quantités pour se concentrer sur le contrôle de la qualité. M’enfin soulignons quand même que l’un des grands activistes normands qui veut changer la règle européenne n’est autre que le géant industriel Lactalis, le même qui est impliqué dans l’une des plus grosses crises sanitaires de ses dernières années avec un lait parfaitement pasteurisé.
Ce qui se joue là est surtout symptomatique d’une aseptisation et d’une standardisation qui va à l’encontre du simple fait qu’un lait cru est un produit vivant et que ce sont ses bactéries qui font que la gastronomie fromagère est ce qu’elle est. Et les dérives en cours touchent désormais d’autres AOP, comme le Roquefort Société qui commercialise du Bleu de Brebis industriel en utilisant un packaging trompeur, ou le Beaumont qui ressemble furieusement à du Beaufort. Or, tous ces produits vivants, issus d’un terroir sont surtout les formateurs de notre goût, les préservateurs de nos diversités quand ils ne sont pas des passeurs de légendes qui doivent nous amener à ne jamais oublier de rendre un hommage à Marie Harel lors de notre passage à Camembert.
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