Chronique La Cerise sur le gâteau

Tables, couverts et salle à manger

12.05.19

Il est temps de dresser la table ! De fait, la table que nous connaissons tous en France et qui reste le meuble central de toutes les convivialités familiales et amicales n’a pas toujours occupé cette place essentielle.

Au Moyen-âge, la table est une simple planche que l’on dresse sur des tréteaux et que le maître de maison pose dans une pièce, qu’il choisi en fonction de sa luminosité et de sa température, en hiver près du feu, et en été, dans la pièce la plus fraiche. La table est recouverte d’une nappe qui a l’avantage de cacher les tréteaux mais qui sert aussi de serviette commune. En fait, les meubles importants sont surtout les bancs, d’où l’on tirera d’ailleurs le mot banquet, et le buffet. Il faudra donc attendre la renaissance pour que la table devienne un objet important, tant du point de vue de l’ébénisterie et de la décoration que du point de vue de son rôle social, voire politique et diplomatique. Curieusement, la table à manger n’a d’ailleurs pas entraîné l’apparition immédiate de la Salle à manger. Chez les nobles, les repas étaient pris dans les antichambres ou les cabinets, pour le reste de la population, c’était plutôt à la cuisine ou près du feu dans la salle commune. C’est seulement à partir du XVIIIe siècle, en commençant par la bourgeoisie des villes, que la cuisine va prendre une place périphérique dans les habitations et qu’une pièce va être dévolue aux repas. Et il faudra donc attendre deux siècles pour que, sous le règne du souverain suédois Ikea, la cuisine se retrouve au centre !

Sachant que l’on a désormais une table et une salle à manger, on va également cesser de manger avec ses doigts ?

Et bien oui, même si la chose n’est pas aussi évidente qu’on ne l’imagine. L’apparition des couverts apparaît plus en effet comme une construction sociale que comme une nécessité naturelle. Et pendant bien longtemps, personne n’en voit vraiment l’utilité. La fourchette qui, exclusivement en or, parvint de Venise à Florence d’où Catherine de Médicis l’introduit à Versailles, remporta un succès très relatif. Louis XIV lui-même continuait d’ailleurs à manger avec les doigts. La fourchette n’est absolument pas naturelle et ceux qui l’utilisent passent pour d’affreux snobs. D’ailleurs son usage se développa essentiellement dans un premier temps pour des raisons de mode vestimentaire. C’est en fait les fraises, ces collerettes très imposantes qui firent que l’on trouva commode, pour ne pas les transformer en torchon, d’utiliser l’instrument.

Mais au delà de l’objet lui-même, c’est en fait tout le rapport à la nourriture qui est en jeu. Aujourd’hui, de nombreux chefs n’hésitent pas à présenter des plats à déguster exclusivement avec les doigts. Comme par exemple le chef italien Ricardo Camanini dont on peut retrouver le travail dans les récentes bonnes choses consacrées à l’exposition CookBook et qui n’hésite pas à vous faire débuter votre repas avec un carpaccio de bœuf fourré d’un foi de lapin, à déguster sans aucun couvert. Et c’est vrai que la sensation des textures des aliments sous les doigts ajoute un rapport plus direct à la nourriture, plus sensuel, permettant de retrouver nos racines de mangeurs préhistoriques.

Les Bonnes Choses du 12/05/2019 – A la table des hommes préhistoriques

A l’occasion de l’exposition sur la Préhistoire qui vient d’ouvrir ses portes au Centre Pompidou, Les Bonnes Choses se penchent sur ce que mangeaient les hommes du paléolithique, et il semble bien que leur régime alimentaire fût bien plus riche qu’on l’a longtemps pensé. Foin de gibier cru et autres racines, on parle désormais oeufs de tortues, gigot de kangourou, salade de fleurs et feuilles ! Des racines, des bulbes de nénuphar, des pistaches, des dattes, du miel, des grenouilles, des escargots, des champignons et des écorces, du pot-au-feu à la moelle et aux herbes aromatiques et des steaks de rhinocéros laineux… Vrai ou faux ? Que sait-on de la nourriture des premiers hommes et pourquoi ce qu’on appelle aujourd’hui la « cuisine paléo » revient-elle en force dans nos assiettes ?

Avec
Pascal Picq, paléoanthropologue, maître de conférences au Collège de France
Nicolas Poilevey, cuisinier, professeur de cuisine à l’Ecole Médéric
Anne Deborde-Munoz, cheffe du restaurant Silex & Fourchette à Toulouse, qui fait de la « cuisine paleo »

Chroniques
La madeleine de … Dominique Bona : « La chair des abricots était chauffée par le soleil »

Et La Cerise sur le gâteau de Pierre Hivernat, Tables, couverts et salle à manger

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