Aujourd’hui, je voudrais vous parler de Cookbook, une exposition qui vient d’ouvrir à Montpellier et qui est exceptionnelle. Oh, non pas parce que les œuvres que l’on peut y découvrir sont particulièrement spectaculaires, encore que, mais parce qu’elle pose une question fondatrice sur la gastronomie : la cuisine est-elle un art ? Ou, formulé autrement, les cuisiniers peuvent-ils prétendre au statut d’artiste ?
Répondre positivement à cette question quand on compte produire une exposition, vous fait d’emblée tomber sur un os de taille : que montrer, quand les œuvres culinaires sont par nature éphémère ? Et le premier point fort de cette exposition vient d’abord du fait qu’elle apporte une réponse claire à un potentiel statut du cuisinier en faisant passer sans encombre vingt-cinq chefs et vingt artistes d’art contemporain par la même entrée des artistes de La Panacée, le centre d’art contemporain dirigé par Nicolas Bourriaud.
Alors c’est vrai qu’il y avait déjà eu quelques tentatives du genre. En 2007, par exemple, la question avait surgi quand on avait découvert le nom du chef catalan Ferran Adrià sur le programme de la Documenta de Kassel. A cette occasion, il n’avait pourtant rien montré, considérant que son art devait être dégusté et qu’il fallait pour cela se rendre dans son restaurant. En 2008, le magazine Art Press avait également ouvert une voie, un peu brouillonne mais prometteuse, en publiant un hors-série intitulé sans grande imagination «La gastronomie, le vin, l’art». Et puis plus rien, pour sans doute au moins une raison que Nicolas Bourriaud résume ainsi : «Beaucoup de gens ne sont pas prêts et pensent que la cuisine reste un art frivole et superflu.» Alors, pourquoi, déjà en 2013, alors qu’il était Directeur des Beaux-Arts de Paris, le même Nicolas Bourriaud et son complice Commissaire, le journaliste Andréa Petrini, se sont-ils lancés dans une telle aventure ? Sans doute parce que la poussée mondiale d’une nouvelle génération de cuisiniers qui dépassent les bornes, est désormais trop forte pour que l’on puisse décemment continuer à tous les considérer comme de simples artisans-commerçants.
Et donc, comment les Commissaires ont-ils résolu la question de « que montrer ? »
Et bien, leur idée principale a été de demander aux cuisiniers d’inventer des formes pour nous faire entrer physiquement dans l’esprit de leurs plats, tandis que les artistes choisis s’attachent à pousser le visiteur à développer ses sensations gustatives ou olfactives.
Ainsi, côté chefs par exemple, le péruvien Virgilio Martinez travaille sur la couleur comme moyen de changer l’apparence de la nourriture sans changer l’essence, le danois René Redzepi, présente lui « L’Invisible » qui montre l’invisible de chaque membre de l’équipe du restaurant et la slovène Ana Roš propose une création vidéo où elle sublime les solutions goûteuses pour les allergiques.
Côté artistes, le français Mathieu Mercier présente Pasta Utopie, un magnifique travail sur les pâtes, l’américain Sean Raspet travaille lui sur les odeurs et les parfums, quant au japonais Natsuko Uchino qui travaille habituellement l’argile et la céramique, il présente à Montpellier un projet de ferme collective en permaculture.
Bref, l’art contemporain s’est trouvé de nouveaux acteurs, dans un cadre définitivement loin du frivole et du superflu.
Jusqu’au12 mai du mercredi au dimanche à La Panacée à Montpellier et c’est gratuit.
Les Bonnes Choses du 10/03/2019 – Où en est la « jeune cuisine » française ?
Invités
Le festival Omnivore se tient à la Mutualité à Paris pendant trois jours. Véritable promoteur d’un mouvement dit de « la jeune cuisine », Omnivore nous parle de ces cuisiniers qui cassent les codes et s’inscrivent dans les problématiques de leur temps. Cette année : la cuisine responsable. Zoom sur « la jeune cuisine », mouvement porté par des cuisinières et des cuisiniers créatifs et audacieux, capables de briser les codes de leurs pères et d’en inventer de nouveaux, de mêler plaisir de la table et conscience des enjeux alimentaires contemporains. Cette jeune cuisine est promue depuis seize ans maintenant par une équipe de défricheurs avec à sa tête le porte-parole de toute une génération de chef(fes), qui a son site, sa revue et son festival. Voilà qui tombe bien, le festival commence aujourd’hui et dure trois jours…
Avec
Luc Dubanchet, fondateur d’Omnivore
Manon Fleury, cheffe du restaurant le Mermoz à Paris
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