Analyse Bio

Le bio joue dans la cour des gros

19.05.14

En février dernier, une nouvelle loi « Farm bill » est entrée en vigueur aux Etats-Unis. Elle encadre désormais la politique agricole américaine jusqu’en 2018. Si ce nouveau texte reste fondamentalement associé à la défense d’une agriculture productiviste, le soutien au bio et aux petites cultures est pour une fois nettement marqué. Révolution au pays des OGM ?

farm bill 2

Cela mérite d’être souligné : les Etats-Unis ont sérieusement appuyé sur l’accélérateur, en ce qui concerne le développement de l’agriculture biologique. Alors que les subventions aux produits de base traditionnels (céréales, viande, lait etc….) ont été réduites de plus de 30 %, le financement pour les fruits et légumes et l’agriculture biologique a lui augmenté de plus de 50 %. Ces produits rentrent dans le programme « d’assurances récoltes », qui remplace désormais les aides directes qui ont longtemps caractérisée l’agriculture américaine, et qui consiste à subventionner les contrats souscrits par les producteurs pour se prémunir en cas d’aléas climatiques ou de baisse des cours. Les élus américains ont également consenti à doubler les subventions pour aider les producteurs à passer du conventionnel au biologique et pour assurer la promotion de leur récolte. Ce n’est pas par simple conviction écolo : le secteur biologique est devenu un acteur sérieux dans le paysage américain, pesant 32 milliards de dollars en 2012 selon l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique, soit 4% du total des ventes alimentaires. La même étude a d’ailleurs chiffré à 10 % la croissance des ventes des produits bio dans le pays, alors que le nombre de certifications est lui aussi à la hausse.

Des « food stamps » plus green
Ce n’est pas le seul changement de cap. Les législateurs ont également légèrement réorienté le programme d’aide alimentaire, les fameux food stamps. On ne le sait pas toujours, mais plus de 15 % de la population américaine bénéficie d’une aide alimentaire, via le programme Supplemental Nutrition Assistance Program (SNAP) géré par le ministère de l’Agriculture, sous la forme de bons permettant de s’approvisionner dans certains supermarchés agréés. Dans ce nouveau Farm bill, une partie de ces bons pourra être utilisé dans des marchés de fruits et légumes de producteurs locaux, à la fois pour valoriser ce type de production mais également soutenir les circuits courts.

Frémissement dans les mentalités
Quelle mouche a donc piqué les américains, un pays où les OGM se sont depuis 15 ans imposés sans peine dans les cultures de soja, de maïs ou de colza ? « Il y a aux États-Unis une prise de conscience de plus en plus forte du consommateur et un intérêt plus marqué pour ce que les citoyens mangent, assure Jean-Christophe Debar, directeur de Agri-US Analyse et qui suit depuis plus de 20 ans l’agriculture américaine. Ce n’est pas généralisé mais ça augmente certainement. Les OGM sont tellement répandus dans les grandes cultures, que par contraste, le biologique apparaît  comme la seule alternative, alors que chez nous l’agriculture conventionnelle conserve quand même une assez bonne image. »

Y aurait-il aussi un effet « Première dame » ? Incontestablement, la lutte contre l’obésité dont s’est emparée Michelle Obama et son symbolique jardin bio à la Maison blanche ont eu une incidence sur la montée en puissance de la question de l’alimentation saine, y compris dans ses modes de production. « Le fait d’utiliser le SNAP pour améliorer les politiques publiques en la matière, c’est un signe fort », poursuit Jean-Christophe Debar. D’autant plus que cette réforme du budget agricole s’accompagne d’un débat, encore non tranché, sur l’étiquetage obligatoire des OGM, encore inconcevable quelques années en arrière.  Selon un sondage du New-York Times, réalisé fin 2013, 93% des Américains sont favorables à l’étiquetage des OGM et les projets de loi se multiplient dans les Etats pour signaler les aliments contenant des organismes génétiquement modifiés. Le phénomène est suffisamment sérieux pour que Monsanto ainsi qu’une coalition d’entreprises de l’agroalimentaire aient jugé nécessaires d’en appeler à l’Etat fédéral afin qu’il intervienne sur le sujet.

Un secteur relativement concentré
Tout n’est pas pour autant vert tendre outre-Atlantique. L’esprit même du Farm bill reste le soutien à la grande culture intensive, emblématique du système agricole américain, qui nourrit surtout les plus gros. Et le secteur du bio n’échappe pas à la règle : les grandes compagnies agroalimentaires ont flairé l’aubaine et commencent à racheter massivement les PME spécialisées dans l’alimentation biologique. Pour Jean-Christophe Debar, « le biologique arrive à une phase de maturation, qui a des conséquences sur le plan marketing. Mais il n’empêche, qu’accèdent à ce marché là, des gens pour qui c’était autrefois impensable. Profondément, structurellement, les choses changent »

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