Certains cuisiniers ont renoncé à la vanille, dont le prix a été multiplié par huit en cinq ans du fait de la spéculation et de la désorganisation d’un micro-marché dominé à 80% par Madagascar. Mais des industriels tentent de remettre sur pied une filière de production.
« À ce prix-là, je n’en achète plus« : la mort dans l’âme, Valérie Guiliani, chef cuisinier à Forcalquier, dans le sud-est de la France, a cessé de travailler la vanille dans ses desserts, renonçant à un « ingrédient de base« , devenu inabordable. « En décembre 2016, j’ai acheté un lot de 50 gousses à 35 euros. En avril, le même conditionnement était à 86 euros« , explique-t-elle à l’AFP. Dans ces conditions, difficile de rentabiliser une panna cotta au caramel épicé, une des spécialités de la jeune femme qui refuse les arômes artificiels. Ces dernières années les gastronomes ont assisté à l’ascension stratosphérique du prix de la vanille : selon le rapport Cyclope, bible des matières premières agricoles, le prix moyen des gousses de Madagascar a gonflé à plus de 400 dollars le kilo en 2016-17, contre 50 dollars en 2012-13.
Quasi-monopole malgache
Au début des années 2000, le bâtonnet brun avait déjà connu une poussée de fièvre à la suite du passage de deux cyclones. Son prix moyen s’était arrêté à 300 euros le kilo, avant un crash du marché en 2004. La raison de la dernière flambée est simple. Madagascar, un des pays les plus pauvres du monde, représente à lui seul 80% de la production mondiale de l’arôme le plus consommé au monde. Une situation de quasi-monopole bien tentante pour certains opérateurs intermédiaires qui cherchent à dicter leurs tarifs, et qui a permis l’émergence d’une « bulle spéculative dangereuse », selon Cyclope. Assortie de « magouilles », de vols et de violences, selon d’autres sources qui requièrent l’anonymat. « Les prix sont devenus complètement fous« , confirme Bernard Giraud, président de Livelihoods, un fonds d’investissement dans l’agriculture durable financé par de gros industriels de l’agroalimentaire comme Mars ou Danone, qui a rendu public mardi un projet de réorganisation d’une partie de la filière de Madagascar.
3000 petits producteurs
La spéculation n’est pas seule en cause. « Les qualités proposées sont aussi globalement très médiocres », selon Cyclope. En cause, le fait que la vanille verte est ramassée beaucoup trop tôt, notamment sous pression d’industriels de l’extraction. Grâce à un procédé dit de « quick curing », la vanille verte permet en effet de produire rapidement une vanille industrielle liquide pour l’aromatisation « avec des taux de vanilline relativement bons lorsque le procédé est bien maîtrisé », dit Cyclope. « Notre projet qui s’étale sur dix ans est de recréer une vraie filière d’approvisionnement malgache grâce à 3.000 petits producteurs« , explique Bernard Giraud. Le fonds Livelihoods a été lancé par Danone (France), Firmenich (Suisse), Mars (États-Unis) et le groupe français de gestion des eaux Veolia. Il investit dans des projets d’agriculture durable en garantissant l’achat des matières premières produites. Dans le projet de Madagascar, Veolia ne participe pas. Les trois autres industriels, accompagnés de la société française d’ingrédients alimentaires Prova et de l’ONG malgache Fanamby, ont investi deux millions d’euros. « Nous allons mettre en place une organisation de production, sorte de coopérative agricole, avec des formateurs, des agronomes, pour faire la récolte de la vanille verte, puis le long et délicat travail de la préparation de la vanille« , au sud de Sava, la principale zone de production du pays, explique M. Giraud. Aucun achat de terre n’est prévu. « Nous partons des besoins des industriels qui s’engagent à acheter la vanille produite et de ceux des agriculteurs qui doivent en tirer un revenu correct« , ajoute-t-il. La coopérative est dotée d’un organe de décision où les producteurs sont représentés, avec une négociation annuelle sur les volumes et les prix. Un prix minimum d’achat est fixé, au cas -prévisible- où le marché se retourne en cas de surproduction. Beaucoup de pays viennent en effet de se lancer dans la culture de la vanille (Inde, Indonésie, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Ouganda ou Comores).
Par Isabel MALSANG pour AFP
Partagez moi !
Vous pourriez aussi être intéressé par
analyse
Brésil: le numéro un mondial de la viande lâché par un important fonds d’investissement
analyse Économie
Fragilisés par la pandémie, les agriculteurs réclament leur part du plan de relance
analyse "Jaunisse" de la betterave
Le gouvernement rouvre la voie à l’utilisation d’un insecticide banni en 2018
Découvrir d'autres articles
- 13h26« Les bonnes choses » sur France Culture, Saison 3
- 12h01Syrie: 2,2 millions de personnes en plus au bord de l’insécurité alimentaire
- 19h08Le gouvernement cherche de la purée et des conserves de légumes pour les plus démunis
- 12h48Carrefour rachète 172 magasins en Espagne
- 16h10Rachat de Bio c’Bon: cinq candidats sur les rangs
- 17h30Le Président Xi Jinping impose la fin du gaspillage alimentaire
- 15h51La France annonce qu’elle va pouvoir exporter son boeuf au Japon sans restrictions
- 13h16Après la tragédie du port, les Libanais craignent une pénurie de pain
- 09h40Royaume-Uni: feu vert du régulateur à l’entrée d’Amazon dans le capital de Deliveroo
- 13h18Réduction des pesticides: 30 millions d’euros pour aider les agriculteurs à investir
- 18h31Julien Denormandie à la manoeuvre pour soutenir la filière betteraves
- 15h00Amazon veut surfer sur le boom des achats alimentaires en ligne au Royaume-Uni
- 14h01Boissons et aliments frelatés: 407 arrestations dans une opération internationale
- 09h32Annulation de l’édition 2020 du salon international de l’agroalimentaire
- 14h44Le volailler Doux condamné à rembourser 80 millions d’euros de subventions indues
- 12h41« Cartel du jambon »: 93 millions d’euros d’amendes pour 12 entreprises
- 12h27Insécurité alimentaire aigüe pour la moitié des Centrafricains, selon l’ONU
- 10h47Production de protéines à partir de colza : finalisation du partenariat Avril/DSM
- 12h38Chine: le coronavirus détecté sur des paquets de crevettes équatoriennes
- 15h29Mobilisation pour rétablir le « train des primeurs » Perpignan-Rungis