Analyse Société
Le Salon de l’Agriculture, la vitrine en fête des campagnes inquiètes
Veaux, vaches, cochons, jambons et produits du terroir déferlent sur Paris samedi pour le Salon de l’Agriculture, vitrine festive d’un secteur inquiet, toujours plus high-tech et industrialisé, qui rapproche dix jours durant les citadins de leurs campagnes.
D’ici au 1er mars, après une inauguration en fanfare à l’heure de la première traite par le président François Hollande, plus de 700.000 visiteurs sont espérés Porte de Versailles pour admirer les 4.000 animaux exposés dont 1.200 bovins, les plus populaires, et goûter aux saveurs régionales. Dans le contexte des attentats de Paris et Copenhague et pour ne pas risquer de voir la fête gâchée, cette ferme gigantesque de 39.000 m2 sera fortement gardée, avec des effectifs de sécurité en hausse de 20% par rapport à 2014, soit quelque 300 vigiles en tenue et en civil dans les allées.
Machinisme agricole
Comme tous les deux ans, à partir de dimanche, se tiendra simultanément à Villepinte au nord de Paris le Salon international du machinisme agricole (Sima), un marché estimé à 134 milliards de dollars dans le monde, dont l’Europe est le premier producteur, avec des tracteurs au prix d’une Ferrari et des engins rutilants, bourrés de capteurs et d’électronique, pilotés par drone et GPS. Car le secteur, bien qu’attaché dans l’imaginaire populaire à la vision bucolique et champêtre de la ferme d’antan, est en réalité une puissante mécanique qui emploie toujours près d’un million d’actifs, soumise à une double contrainte: nourrir une humanité de bientôt 9,5 milliards d’individus en 2050 et contribuer à la lutte contre le changement climatique en réduisant son empreinte environnementale et ses émissions de gaz à effet de serre (GES).
L’agriculture est responsable d’environ 20% des GES émis en France dont celles de l’élevage, estimées au niveau mondial à 15% du total. Pour cette raison ce 52e Salon international de l’agriculture (SIA) est placé sous le signe de l’innovation, alors que Paris accueillera en décembre la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Les bonnes pratiques sont porteuses de solutions, affirme le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, promoteur de l’agroécologie, qui veut montrer « qu’on est capable de trouver par l’innovation les solutions au défi climatique« .
Vive le terroir
La tendance de l’agriculture moderne n’est d’ailleurs plus au gigantisme mais à la précision: la délivrance du bon dosage – d’engrais, de pesticide ou d’eau – directement sur la plante tandis que le développement de la robotique finira par garder l’exploitant loin du champ. « Ce n’est pas qu’on va se passer de la main d’oeuvre qui existe mais plutôt résoudre ainsi l’absence de main d’oeuvre disponible« , nuance Jean-Marc Bournigal, président de l’Irstea, l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture. Car malgré l’importance des chiffres – l’agriculture fournit 70% des besoins de l’agroalimentaire, premier secteur industriel de France avec 160,5 milliards de chiffre d’affaires en 2013 – le monde agricole est en crise permanente.
L’effondrement du cours des céréales a plombé en 2014 de 40% les revenus des producteurs, jusqu’alors considérés comme les « nantis » du secteur – la FNSEA, le puissant syndicat agricole, a même parlé de « séisme ». Avec 11.500 euros par an, les céréaliers se classent désormais en queue de peloton, derrière les arboriculteurs (13.400) et les éleveurs bovins (14.500 euros). L’embargo russe décrété contre les produits européens a contribué à la crise. Et la fin du système des quotas européens, programmée au 31 mars par Bruxelles, en fait craindre une autre pour les éleveurs laitiers. « Ce n’est pas une ambiance festive cette année » avec des « marchés mondiaux très dégradés« , l' »embargo russe« , les « charges » et « un niveau de réglementations et normes qui n’a jamais été aussi excessif », énumère pour l’AFP Xavier Beulin, président du puissant syndicat agricole FNSEA.
Tous savent que l’agriculture folklorique vantée par le marketing de la grande distribution a fait long feu, même si la France a su contrairement à ses voisins du nord de l’Europe, préserver un modèle familial. Et même si les grandes enseignes présentes sur le Salon se battent à coup de produits « de nos régions » et survendent le « terroir ». Signe des temps, le Salon ouvre ses portes à l’enseigne Lidl, ex-championne du hard-discount décidée à en sortir, qui s’affiche en pleine révolution culturelle du Made in France. Au Salon, son stand sera d’ailleurs organisé « comme une place de village », annonce le directeur des achats Michel Biero. Un village de dimension planétaire.
Par Anne CHAON
Alimentation Générale sera présent au Salon de l’agriculture et animera des débats Haut débit sur le stand de la Ruche qui dit Oui.
Image de Une : Extrait du Karambolage, ARTE, Le salon de l’agriculture.
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