Analyse Distribution
Avec JD.com, des millions d’internautes Chinois accèdent au made in France
Quand M. Liu fait du lèche-vitrines à Paris, ce n’est pas (que) pour son épouse francophile. Il repère ce que JD.com, son site de commerce en ligne, pourrait proposer de plus dans son tout nouvel « Espace France » aux millions d’internautes chinois.
Président fondateur du deuxième site d’e-commerce de Chine derrière Alibaba, avec 100 millions de clients dont 38 millions réguliers, Liu Qiangdong lance un portail spécialement dédié aux produits français, notamment alimentaires, qu’il promet de livrer jusqu’aux villages les plus reculés, en compressant les prix grâce à la suppression des intermédiaires. « Une bouteille de vin quitte la France à 10 euros et arrive à 70 euros chez le consommateur chinois. Je veux la proposer à 25, frais de douanes compris, en supprimant les intermédiaires« , résume-t-il dans un entretien à l’AFP, en marge de la soirée de lancement du portail « Espace France », mardi soir à Paris. Entre petits-fours et dégustations de vins, diplomates et expatriés chinois à Paris, producteurs, hommes d’affaires et sénateurs soucieux de mettre leur région en avant, se pressent autour du jeune entrepreneur (41 ans).
On pose ainsi devant le Calvados de Normandie, un château bordelais ou un Chablis 1er Cru. Alimentation, vins, mais aussi vêtements, accessoires… l’ambition de M. Liu est sans limites. « Tout le monde connait Louis-Vuitton en Chine, mais en me promenant autour du Palais-Royal j’ai découvert énormément de marques encore inconnues chez nous » souligne-t-il. « Nous en avons déjà une centaine, j’en veux plus de 1.000« . JD.com propose déjà du chocolat suisse et des vins italiens, espagnols, californiens. Des français aussi, ainsi que du lait pour bébé ou en briques UHT (longue conservation), garantie de sécurité pour les parents chinois éprouvés par des scandales alimentaires. Mais il voit plus loin.
Livré le lendemain
Avec 70.000 salariés, JD.com dispose de 2,3 millions de m2 (118 sites) d’entrepôts de marchandises à travers 39 villes chinoises et promet que toute commande sera « livrée le lendemain, au plus tard le jour suivant » n’importe où dans 1.855 des quelque 2.000 districts que compte le pays. « Les grandes références sont déjà en stock, pour les petites marques ou les produits de luxe ce sera au coup par coup » prévient-il. JD.com, coté au Nasdaq depuis mai 2014, a quadruplé son volume de ventes entre 2011 et 2013, accompagnant l’explosion du commerce en ligne en Chine (+49,7% l’an passé pour le commerce de détail) avec 320 millions de clients sur 632 millions d’internautes, selon le ministère chinois du Commerce. Le site spécialisé China Internet Watch prédit que le seul marché en ligne des produits maternité/bébés dépassera 320 milliards de yuans (45 milliards d’euros) en 2015. « Là où le paysan n’a pas d’ordinateurs, ce sont nos agents qui prennent sa commande« , payable à la livraison, reprend Liu Qiangdong.
« Les Chinois arrivent à Paris avec de grosses valises, mais à ceux qui ne voyagent pas, je veux apporter aussi les valeurs françaises de romantisme, la recherche de la beauté« , reprend-il enthousiaste. A ses côtés, l’écrivain Ya Ding (Le Sorgho Rouge), installé à Paris depuis 30 ans et importateur de vins français en Chine, vient d’expliquer comment il repart systématiquement à Pékin avec « deux valises remplies de fromages et de charcuteries: mon regret est de ne jamais en avoir assez pour mes amis« . C’est aux valises de Ya Ding que M. Liu souhaite se substituer. « Le mérite du site, c’est de pousser les entreprises en recherche de marchés sur la Chine à passer à l’action. Mais ça ne lèvera pas toutes barrières à l’export d’agroalimentaire vers ce pays« , nuance Michel Nalet, directeur des relations extérieures du géant Lactalis et président de la Commission Exportation de l’ANIA, l’association des industries agroalimentaires.
En 2013, les exportations alimentaires françaises vers la Chine représentaient 1,49 milliard d’euros. « Il faut quand même être déjà sur place pour être vendu en ligne » rappelle-t-il. Ce qui est le cas de son groupe, qui vend des laits en poudres et en briques. De là à vendre du fromage en ligne, il est plus sceptique. Qu’importe: Liu Qiangdong compte sur le Nouvel An chinois, le 19 février, pour faire décoller son portail et les ventes de produits français. Et jure qu’il conduit une politique « Tolérance Zéro » pour les contrefaçons.
Par Anne CHAON
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