Tirée par la demande chinoise, la récolte brésilienne de soja, qui devrait légèrement reculer cette année, pourrait à nouveau augmenter en 2019-20 jusqu’à dépasser celle des États-Unis, jusqu’ici le premier producteur mondial.
Le ministère américain de l’Agriculture (USDA) a estimé le 11 juin que la production de l’oléagineux au Brésil devrait gonfler à 123 millions de tonnes l’an prochain, contre 117 millions cette année, alors que les États-Unis verraient leur récolte ramenée de 123,6 millions à 112,7 millions de tonnes en raison de mauvaises conditions climatiques exceptionnelles. Déjà premier exportateur mondial de soja devant les États-Unis, le Brésil a atteint un niveau record d’exportations en 2018, à 83,6 millions de tonnes, soit 22,6% de plus qu’en 2017, selon le ministère brésilien de l’Économie. Cette performance s’explique surtout par l’appétit de la Chine, premier client du soja brésilien: la guerre commerciale qui oppose Pékin et Washington depuis près d’un an a conduit l’Empire du Milieu à acheter davantage au Brésil pour nourrir son bétail.
Les exportations de soja vers la Chine ont fait un bond de près de 30%, à 68,8 millions de tonnes, l’an dernier, représentant 82,3% des exportations totales du Brésil, contre 78,8% l’année précédente. L’Union européenne, pour sa part, importe un tiers du soja qu’elle utilise du Brésil. Cependant, l’Association brésilienne des industries des huiles végétales (Abiove) estime que les exportations de soja en grains devraient baisser de 18,5% cette année, en raison de la peste porcine africaine qui fait des ravages dans les élevages asiatiques.
Folle ascension
Principale production céréalière du Brésil, le soja a été introduit dans le pays en 1914 et sa production est passée de 25.000 tonnes en 1949 à 1 million de tonnes en 1969. Le secteur a surtout connu une incroyable ascension dans les années 1970, grâce à la migration de producteurs du sud vers le centre-ouest du Brésil, au développement de nouvelles techniques de culture et à l’usage de pesticides, qui ont permis au pays de récolter 15 millions de tonnes en 1979. « Les cours augmentaient et les cultivateurs du sud n’avaient plus de place pour se développer. Beaucoup se sont installés dans la savane du Cerrado brésilien, où ils ont transformé des terres peu chères mais inhospitalières pour y planter l’oléagineux« , explique Amélio Dall’Agnol, chercheur de l’Entreprise brésilienne de recherche agricole (Embrapa). Cette migration a coïncidé avec le développement d’un système de semis direct pour les grandes cultures, qui a permis au Brésil de s’engager dans une révolution agricole inédite. Le semis direct consiste à ne pas labourer entre les récoltes et à utiliser la paille en couverture végétale pour limiter l’érosion des sols. Cette technique, dont le pays est aujourd’hui le leader mondial, est associée à une utilisation massive de désherbant pour nettoyer le sol avant semis.
Le soja OGM majoritaire
« En plus de résister aux produits phytosanitaires puis aux mauvaises herbes et aux parasites, des variétés génétiquement modifiées de soja ont été nécessaires pour adapter la culture à la latitude du Cerrado. Cela a été un facteur-clé de la hausse de notre productivité« , précise M. Dall’Agnol. D’abord planté illégalement dans les années 1990, le soja génétiquement modifié a vu sa commercialisation d’abord autorisée de façon temporaire en 2003 par le gouvernement Lula, avant d’être entérinée par le Congrès deux ans plus tard. En 2017, les variétés transgéniques de soja occupaient 96,5% de la surface nationale, contre 22% en 2004, estime le cabinet de conseil Céleres.
Malgré les critiques des ONG environnementales comme Greenpeace, qui fustige la déforestation, le Brésil estime avoir encore les capacités de renforcer sa prédominance mondiale: « notre pays est un des rares à pouvoir encore accroître ses terres cultivées, entre 70 et 80 millions d’hectares supplémentaires, ce qui lui permettrait de plus que doubler la surface de céréales et oléagineux« , explique Leonardo Sologuren, président du Comité stratégique soja. Il relève néanmoins que le géant sud-américain devra relever plusieurs défis car il a une capacité de stockage déficitaire et sa logistique n’est pas assez développée. Un plan 2019-20 de soutien à l’agriculture commerciale doit être présenté par le gouvernement le 18 juin. Proche de l’agro-business, la ministre de l’Agriculture, Tereza Cristina, a annoncé en février vouloir libérer 44,8 milliards d’euros d’enveloppes de crédits bonifiés, autant qu’en 2018.
Par Morgann Jezequel pour AFP
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