Analyse Production

La montée en qualité, une piste pour sortir de la crise de l’élevage

29.02.16

L’effondrement des prix de la viande bovine et porcine et du lait pousse la profession agricole à s’interroger sur son avenir dans des marchés de plus en plus concurrentiels, avec pour certains une certitude: le salut viendra de la montée en qualité. C’est le credo d’importantes coopératives comme Terrena qui vient d’en faire un livre, comme des Jeunes Agriculteurs et de Fleury Michon.

« L’agriculture s’est adaptée depuis trois générations à la demande du consommateur qui était de manger toujours moins cher, et donc pour nous de produire à bas coût en intensifiant nos systèmes. On est allé trop loin dans nos systèmes de production« , constate le directeur général des Jeunes Agriculteurs, Florent Dornier. Mais face à l’effondrement actuel des prix, M. Dornier estime qu’il faut « recréer de la valeur ajoutée aux produits: l’agriculture française ne peut pas concurrencer la Chine ou le Brésil« , et insiste donc sur la « traçabilité made in France » qui rassure les consommateurs. Pour Christophe Lopez, spécialiste de l’agroalimentaire pour le cabinet de conseils Weave, « l’origine France ne suffit pas si c’est produit en France mais que c’est exactement le même produit que celui produit en Espagne, juste payé 25% plus cher« . La seule façon de s’en sortir compte tenu de notre modèle social c’est de « produire des éléments à valeur ajoutée dans lesquels la masse salariale soit comprise« , et pour cela faire du haut de gamme un standard, comme les Allemands ont réussi à le faire dans l’automobile, assure-t-il.

Pour la FNSEA le tout bio n’est pas réaliste

Cependant, passer toute la production française en produits bio ou labellisés ne semble pas réaliste. « Le bio et les filières AOC sont évidemment des filières très importantes pour la France mais (…) aujourd’hui la consommation de ces produits, bio compris, c’est entre 15 et 17% de la consommation totale. Qu’est ce qu’on fait du reste?« , tempère Xavier Beulin, président de la FNSEA, premier syndicat agricole français et artisan du productivisme agricole depuis la Seconde Guerre mondiale. M. Beulin estime en revanche qu’il y a des choses à faire pour valoriser la production conventionnelle « qui a beaucoup progressé, surtout en qualité« . Une voie médiane apparaît en effet pour les producteurs, celle de produits qui répondent aux préoccupations actuelles des consommateurs: OGM, antibiotiques et bien-être animal. Une piste explorée aujourd’hui par la filière porcine, celle-là même qui a accumulé le plus de retard dans ce domaine.

Des industriels s’y mettent

« Il faut se réapproprier les secteurs qu’on a abandonnés en relançant le porc bio et la segmentation haut de gamme de la salaisonnerie et la charcuterie, où on a perdu des parts de marché« , explique Laurent Pinatel de la Confédération paysanne. La coopérative porcine Cooperl comme les industriels Herta et Fleury Michon ont pris ce chemin en développant des gammes de produits sans antibiotiques (après 42 jours d’élevage) et sans OGM. « Ma première priorité, c’est de développer des filières qualité en France. Nous avons des problèmes d’approvisionnement car il y a des problèmes de qualité de la viande« , souligne ainsi Arnaud de Belloy, PDG de Herta, qui développe depuis trois ans une filière de qualité appelée « Préférences ». « On a mis dans la tête des gens que manger sera toujours moins cher demain. Je crois qu’il faut sortir de ce paradigme. Ça favorise des productions de basse qualité. Ça créé la misère que ce soit dans les systèmes de production ou chez les éleveurs« , assure le directeur général de Fleury Michon Régis Lebrun. La création de la gamme Broceliande fin 2014 devait « répondre à un enjeu sociétal qu’est l’antibiorésistance mais avec un produit qui reste accessible en prix« , explique pour sa part le responsable marketing de Cooperl Thierry Du Teilleul. Car dans la viande, « le bio c’est deux fois plus cher, et le label rouge c’est 30% plus cher que du conventionnel« , alors que cette gamme n’est que « 10 à 15% plus chère« . De quoi satisfaire un consommateur qui aujourd’hui « veut tout et son contraire: du bio et du pas cher« , comme l’explique M. Dornier.

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