Analyse Gouvernement

François Hollande au salon de l’Agriculture

21.02.15

François Hollande, cerné par un service de sécurité sur les dents, a entamé dès 7H00, samedi, sa traditionnelle visite inaugurale du salon de l’Agriculture, à la rencontre d’agriculteurs inquiets, notamment de l’application de la nouvelle PAC.

Première halte, à son arrivée, avec Domimique Macke, propriétaire de Filouse, une Rouge Flamande de 4 ans, la star du salon. Des questions aussitôt. « On a transmis la passion à nos enfants. Dans la nouvelle PAC, peut-on s’intéresser à nos races locales? Nos racines ont droit de continuer à vivre? » « La PAC non seulement n’empêchera rien mais valorisera ces produits« , répond le président de la République. Entouré d’une nuée de journalistes et de perches, et tenu à distance par un cordon de gardes du corps, le président était l’objet cette année d’un dispositif de sécurité renforcé, eu égard au risque d’attentats, avec un plan Vigiparate à son paroxisme.

Laurent Pinatel expulsé par erreur

Signe qui ne trompe pas d’une sécurité sur les dents, le porte-parole de la Confédération paysanne, syndicat agricole minoritaire, a été violemment expulsé de la délégation. « Il a été victime d’une confusion, il n’y a aucun souci« , a déclaré François Hollande à l’AFP. Le président s’est excusé auprès de l’intéressé. Incident clos pour Laurent Pinatel, qui a toutefois eu ce commentaire: « On a parlé hier des fermes intensives. Visiblement ce discours-là dérange« . La Confédération paysanne a publié vendredi une carte démontrant qu’il existait 24 projets de « fermes usines » et 5 structures effectives. Un peu plus tard, un éleveur de Bretonne Pie Noir s’égosille: « Stéphane!!!« . Il interpelle le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll. « Ca va ?« , s’enquiert le ministre. « Et la reconnaissance de race comme mixte lait/viande? », demande Luc Bernard, éleveur de la Sarthe, fief de Stéphane Le Foll, qui répond: « On va essayer de régler ça« .

Excès de normes

Dans un monde agricole en crise, avec des revenus en berne, le salon prend des allures de cahier de doléances. « Il y a urgence dans la simplification » des normes et dans l’application de la nouvelle Politique agricole commune (PAC), a expliqué à l’AFP Guy Vasseur, president des Chambres d’agriculture. « Les agriculteurs vont dans quelques semaines faire leur déclaration PAC et personne ne sait de quoi il s’agit« , a-t-il ajouté. Pierre Vaugarny, secrétaire général de la Fédération nationale bovine, interpelle, lui, Hollande sur les problèmes d’accès au crédit, et sur l’excès de normes, qui étranglent les agriculteurs. « On a l’impression que sur le terrain, plus on nous annonce de la simplification, plus le sac-à-dos se charge« , dit M. Vaugarny. « Les contrôles sont indispensables mais ces contrôles qui se succèdent, ce n’est pas acceptable« . L’Etat va agir « rapidement« , promet François Hollande. Interrogé par la presse, pour lui ce salon se déroule sous le signe des enjeux climatiques, qui sont aussi « une responsabilité » des agriculteurs. Conscient des difficultés avec notamment l’embargo russe sur les produits alimentaires: « Nous devons être, l’Etat, auprès des agriculteurs« , a-t-il assuré.

Au stand Aquitaine, le président va ensuite déguster du jambon de Bayonne, après avoir déjà consommé du fromage en avant-goût de petit-déjeuner. Et en bon Corrézien d’adoption et amateur de viande, le président écrit sur le livre d’or de la Fédération des bouchers: « A tous les bouchers qui nous donnent conseil, plaisir et fierté« .

Le spectre du FN

Mais à un mois des départementales, la séquence est également politique. Les agriculteurs ne sont pas connus pour être majoritairement des électeurs de gauche, et la tentation d’un vote FN est redoutée alors que pourtant l’agriculture est le premier poste de dépenses de l’Europe. « Les populistes disent qu’il faut sortir de l’UE« , mais « si on écoutait ces populistes, il n’y aurait même plus d’aides qui seraient données aux agriculteurs, plus de garantie sur les prix« , a fait valoir le président. « C’est vrai que ce populisme ronge les campagne. Ils se disent: est-ce qu’on ne va pas être oubliés, abandonnés? Mais je suis moi-même issu d’un département rural agricole. Je sais ce que ça représente et je peux vous garantir que les agriculteurs, les ruraux, ne seront pas oubliés« , a-t-il promis. « Les agriculteurs ne doivent pas avoir peur« , a-t-il insisté. « Ce qui doit lutter contre le populisme, c’est la force de l’Etat, sa capacité à tracer un chemin d’avenir. Ce n’est pas en mettant les agriculteurs dans l’angoisse qu’on y parviendra » Pour sa part, le président du principal syndicat agricole, la FNSEA, Xavier Beulin, a confié à l’AFP: « Je ne peux pas nier qu’il y ait des expressions vis-à-vis d’une Europe parfois trop techno, trop tatillonne« . « Peut-être que la réponse politique n’est pas à la hauteur« , ajoute-t-il. Au passage de la délégation, un éleveur de vaches normandes glisse à Hollande: « Il ne faut pas nous oublier. Ce sont des gens comme nous qui vous ont porté au pouvoir« . « Je ne vous oublie pas« , assure le président.

Comme le veut la tradition, le président a commencé par le hall des éleveurs où il se trouvait toujours une heure et demie après son arrivée. Peu avant 10h30, il petit-déjeunait toujours avec le gratin du monde agricole avant de poursuivre la visite. L’an dernier, il avait passé sept heures dans les allées de la plus grande ferme de France. Et comme chaque année, les paris sont ouverts: combien de temps va durer la visite présidentielle? Pendant la campagne en 2012, il était resté une douzaine d’heures, un record! Dans son entourage, on glisse juste qu’il doit impérativement être à l’Elysée à 16h…
Sandra LAFFONT et Sabine WIBAUX pour AFP

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