Analyse Consommation
Consommer local, une tendance dont s’empare la grande distribution
Privilégier le « made in France », les circuits courts: pendant le confinement, les consommateurs français ont voulu acheter des produits locaux, à tel point que la grande distribution, jusqu’à présent plutôt étrangère à ce phénomène, entend désormais s’en emparer.
Selon la dernière étude de l’Observatoire E. Lerclerc des nouvelles consommations, réalisée par l’institut Ipsos fin avril, les Français confinés se sont tournés davantage vers les produits d’origine France (45%), les produits frais (37%) ou encore des produits issus des circuits courts (37%). Ils sont même 63% à revendiquer consommer le plus possible de produits locaux pour soutenir l’économie. François Dartout, du cabinet de consultants Square, formule même dans une tribune publiée par le magazine spécialisé LSA l’hypothèse de voir cette crise sanitaire conduire à « la transformation de l’offre des acteurs traditionnels. Après la révolution du bio et du local pourrait venir celle de l’ultra-local », la consommation de produits issus de l’environnement immédiat du lieu de vente. Acheter au « plus près » pour distribuer les produits d’agriculteurs locaux au détriment de ceux installés à l’étranger, et ce malgré des différences de coûts, c’est un calcul que font déjà les enseignes indépendantes, dont les patrons de magasins sont localement très implantés.
Même Carrefour ou Auchan
Même Carrefour ou Auchan, pourtant des distributeurs intégrés, ont choisi de s’y mettre. Le président de l’enseigne nordiste, Edgard Bonte, a ainsi récemment donné au blog spécialisé « Inside Shopper » l’exemple d’un producteur de pommes de terre de Petite Forêt, près de Valenciennes (Nord), qui, après 45 ans de voisinage sans lien avec le supermarché Auchan, y a vendu pour la première fois ses légumes en direct. Désormais, « nous avons mis en place des systèmes de référencement en moins de 48 heures pour les producteurs », et « quasiment tous les magasins ont la moitié de leurs rayons fruits et légumes en local », une tendance qui « va durer au-delà de cette crise », a souligné le dirigeant.
Thierry Cotillard, le président d’Intermarché et Netto, voit également dans le « renforcement des liens de proximité » des « changements positifs pour l’avenir ». D’où son soutien à la plateforme « jaidelesproducteurslocaux.fr », née pendant le confinement et qui permet d’écouler produits agricoles « bruts », mais aussi vins, fromages, charcuteries, biscuits, chocolats, etc. en mettant en relation gratuitement des producteurs et des distributeurs d’une même région. « La grande distribution était jusqu’à présent très orientée prix, y enfermant aussi le consommateur mais ça ne menait à rien: aujourd’hui, on est capable de faire l’effort, de prendre le temps de s’occuper de soi et cela passe par aider les producteurs locaux« , affirme son créateur, Damien Hühn, fondateur de l’agence APL, persuadé « qu’il n’y aura pas de retour en arrière« . « L’idée, ajoute-t-il, ce n’est pas juste de profiter de la crise, ce n’est pas uniquement du marketing: on est dans une position d’engagement« .
Nouvelle révolution des modes de consommation
Effectivement, « c’est une nouvelle révolution des modes de consommation à laquelle on assiste, sous l’influence des jeunes générations, qui pousse la grande distribution à adapter rapidement son offre afin de satisfaire les consommateurs de produits bios, locaux, éco-responsables, etc« , abonde François Datout, de Square. En outre, les cartes ont été pas mal redistribuées à l’occasion du confinement: les parts de marché des formats de proximité, tous distributeurs confondus, ont progressé de 2,5 points tandis que les hypermarchés, souvent installés en périphérie des agglomérations, ont chuté de 8,1%, selon le baromètre du panéliste Kantar. Et des enseignes comme Intermarché ou Système U, qui ont beaucoup communiqué sur leur soutien aux producteurs locaux, ont gagné de nouveaux clients. Pour Olivier Passet, directeur de la recherche au sein du cabinet Xerfi, il est clair qu’il « n’y aura pas reprise de la consommation sans réinvention de l’offre » dans les rayons des supermarchés, avec des produits plus responsables, durables et solidaires. Cela nécessitera une transformation à grande échelle du secteur des services, et donc de la distribution, qui risque d’être coûteuse en temps et en emplois.
Par Laure Brumont pour AFP
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