Le monde agricole et alimentaire français est sorti du confinement rassuré sur sa capacité à nourrir le pays en temps de crise, mais fragilisé par des changements de consommation et des perturbations sur les flux de marchandises. Les professionnels pointent une dizaine de secteurs en difficulté nécessitant un soutien immédiat, notamment pour réguler les excédents.
Viticulture
Le secteur est plombé par une chute de près de 50% de la consommation de vin en France due aux fermetures des cafés-restaurants et à l’arrêt du tourisme pendant deux mois, et par les taxes Trump sur les vins français depuis octobre 2019. Des aides ont été promises, jugées insuffisantes par les viticulteurs: exonérations de cotisations sociales pour 100 millions d’euros et distillation de crise, c’est-à-dire transformation en alcool des excédents de vin, à hauteur de 140 millions d’euros.
Brasserie, cidrerie
Près de 10 millions de litres de bière ont été ou vont être détruits après la fermeture des bars, restaurants et les annulations des festivals. Les brasseurs réclament une aide à la destruction, pour une enveloppe comprise entre 4 et 5 millions d’euros, et souhaitent bénéficier des mêmes mesures que la restauration hors domicile, comme la poursuite du chômage partiel. Cidrerie: la filière, qui a vu ses ventes baisser de 50% pendant le confinement, craint des problèmes de stockage des pommes et des bouteilles à l’automne. Des discussions sont en cours pour des exonérations de charges aux alentours de 50%.
Elevage: viande, lait, fromages, volailles
Dans la viande bovine, les problèmes dataient d’avant l’épidémie, avec des éleveurs peinant à vivre de leur métier. La surproduction et la chute des cours ont poussé la Commission européenne à autoriser le stockage privé de viande de boeuf sur tout le continent (25.000 tonnes pour 26 millions d’euros). En viande ovine et caprine, 36.000 tonnes seront stockées pour 20 millions d’euros. Pour gérer les excédents de lait, la Commission a autorisé le stockage de beurre, de lait en poudre et de fromages. Les fromages AOP français sont particulièrement touchés, avec 2.000 tonnes qui doivent trouver un débouché rapide. Côté volaille, la filière dans son ensemble a subi une baisse de consommation de 7 à 10%. Des productions comme le canard, le poulet de Bresse, le pigeon ou la pintade, très dépendantes de la restauration, ont vu leurs ventes chuter de 60, voire 80%, une dégringolade qui menace tout un pan du patrimoine volailler français. Alors que la France importe 50% de sa consommation de volaille, la filière demande notamment une limitation des importations des produits des pays tiers vers l’Europe.
Agroalimentaire
L’Ania, qui regroupe les industries de l’agroalimentaire, demande une « modernisation des outils industriels ». Pour le plan de relance attendu cet automne, elle souhaite une « meilleure capacité de stockage dans le frais et dans le surgelé » et des investissements sur les produits dits sensibles comme le pain emballé. Les chambres d’agriculture (APCA) espèrent aussi des investissements dans des « légumeries » pour permettre aux cantines des collectivités de s’approvisionner en circuits courts.
Fleurs et plantes
Une filière française (53.000 entreprises, 170.000 emplois, 14 milliards d’euros de chiffre d’affaires) sinistrée avec des pertes estimées à 400 millions d’euros pour l’horticulture et 350 millions pour les fleuristes fermés pendant deux mois. Des tonnes de fleurs coupées et de plantes qui ne pouvaient être conservées ont été jetées. Alors que les Pays-Bas ont mis 600 millions d’euros pour sauver ce secteur stratégique, la France n’a pas obtenu la mise en place d’un « mécanisme spécial » d’aide à l’horticulture par la Commission européenne.
Pommes de terre
450.000 tonnes de pommes de terre industrielles sont stockées sans débouché. Après la fermeture des usines à frites et des restaurants fast-food, le secteur dit « traverser la plus grave crise de son histoire » et estime à 35 millions d’euros ses besoins pour rediriger les stocks vers l’aliment pour bétail ou la méthanisation.
Lin textile
Deux mois de fermeture des magasins de vêtements, pas de commandes ni aux filatures ni aux usines textile situées en Chine ou en Inde: il reste en mai près de 70% des stocks de fibres de lin récoltées en 2019 en France, premier pays producteur de lin textile du monde, au lieu de 50% normalement à cette époque. Les agriculteurs ont prévu de diviser « par deux ou par trois » les surfaces semées en 2021.
Pêche
Les ventes de produits de la mer dans les halles à marée ont baissé de près de moitié (-44%) pendant le confinement, par rapport à la même période des trois dernières années, selon FranceAgriMer. Les pêcheurs ont obtenu notamment la possibilité de recourir au chômage partiel
Par Isabel Malsang et Nicolas Gubert pour AFP
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