Analyse Consommation

Bières : comment la filière s’adapte à la montée des indépendants

13.03.18

Il y a encore trois ou quatre ans, dans la plupart des bars, quand vous vouliez boire une mousse, le choix tournait souvent autour des mêmes marques : Heineken, Kronenbourg, Leffe… Aujourd’hui, vous trouvez désormais des bières locales et/ou artisanales. « Il y a quelques années, personne ne s’intéressait à ces bières-là mais petit à petit, nos clients nous en ont fait la demande donc on s’est adapté », raconte ce gérant d’un bar rennais. La bière artisanale reste encore minoritaire mais en constante augmentation.

Depuis quelques années, la tendance est à la bière artisanale et/ou locale, aux mousses IPA et acides. Si celle-ci a été lancée et stimulée par les brasseurs indépendants, les plus gros groupes s’y mettent et les distributeurs répondent à la demande de leurs clients. Au-delà de 200 000 hectolitres/an, un brasseur n’est plus considéré comme artisanal. Selon le projet Amertume, il y aurait (début 2018) 1 265 brasseries en France, dont une très grande majorité d’indépendantes.  Depuis 2014, la consommation de bières en France est repartie à la hausse (30,1 litres par habitant et par an), après trente ans de baisse. On en buvait 44,2 litres dans les années 1980 !

« On représente quand même entre 7 et 8 % du marché en volumes, contre 3 à 4 % il y a encore quelques années », estime Jean-Francois Drouin, président du Syndicat national des brasseurs indépendants, lancé en 2016 par des brasseurs qui ont quitté le syndicat historique Brasseurs de France, estimant que les groupes industriels ne défendaient que leurs intérêts. Les grands groupes, eux, n’annoncent pas de baisses de parts de marchés. Ainsi, Heineken – l’une des marques les plus vendues en France – indique être en croissance (+4,5% en volume en 2017). Chez France Boissons, sur 1060 références de bières proposées, 745 sont des bières découvertes (locales, artisanales ou internationales). « Ça correspond à 15 % en volumes. On voit bien que les clients sont en demande. Avant, on pouvait installer un bec dans un bar pour dix ans, maintenant c’est moins systématique, la rotation est beaucoup plus importante », détaille Bertrand Galy.

Réaction des grands groupes

Ouest Boissons, distributeur indépendant, a intégré des bières artisanales depuis 2013 mais a développé l’an passé une gamme plus importante, pour être « à l’écoute du marché. Aujourd’hui, chez nous, les bières de spécialités représentent 35 % des bières vendues », explique Emilie Beaulieu, responsable marketing. Et ce marché florissant, les grandes groupes l’ont bien analysé. Heineken a ainsi lancé un programme spécifique, la Beer Factory, pour « ce besoin d’exploration et cette quête de nouvelles saveurs », explique Christelle Salvado, responsable des bières de découvertes et de l’innovation. En 2016, l’entreprise a lancé Mort subite, brasserie belge qui appartenait déjà à son portefeuille, et propose désormais trois recettes de bières lambics sur le marché français. Le géant a aussi acquis Lagunitas, brasserie artisanale californienne, leader des bières IPA, qui font partie des plus appréciées des amateurs de « craft ». « Par ailleurs, nous avons relancé La Phénicienne, à Marseille et Ancre, en Alsace, dans les brasseries historiques du groupe. »

Label « brasseurs indépendants »

Pour Élisabeth Pierre, zythologue (connaisseur de la bière et de sa dégustation, équivalent d’un sommelier pour le vin), c’est une stratégie logique des grandes marques que de se lancer sur le créneau des bières « crafts ». « AB Inbev (premier groupe mondial, ndlr) a ouvert la voie aux États-Unis dès 2005. C’est une façon de mettre ces produits à la portée de tous. Je ne suis pas d’accord avec le discours réducteur gros volumes signifie baisse de la qualité. La question est plutôt : est-ce que les recettes changent quand une brasserie est rachetée ? » Même si aujourd’hui la majorité des bières est détenue par trois groupes, la spécialiste estime que la tendance est stimulée par les brasseurs indépendant.

Jean-Francois Drouin, du SNBI, est un peu moins optimiste : « Il y a cent ans, rien qu’en Lorraine, on avait 350 brasseries, elles ont étés rachetées les unes après les autres notamment par Stella Artois, puis fermées pour rationaliser la production, avec la conservation d’une seule. Il ne faut surtout pas qu’un système pareil se remette en place ! Je pense tout de même que la situation aujourd’hui est différente. La majorité des brasseurs indépendants n’ont pas envie de se faire racheter. » Le syndicat planche d’ailleurs sur un label « brasseurs indépendants ». C’est ce qu’ont fait les Américains l’an passé.

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