Analyse Économie

L’UE menace Trump de taxes sur des produits américains emblématiques

07.03.18

L’Union européenne a mis en garde mercredi contre le risque d’une « guerre commerciale » avec les États-Unis et menacé de taxer lourdement certains produits américains emblématiques si Donald Trump confirme son intention d’imposer des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium.

Le président du Conseil européen Donald Tusk a averti mercredi que les guerres commerciales étaient « mauvaises et faciles à perdre« , en réponse au président américain qui avait argué qu’elles sont « bonnes et faciles à gagner« . « Il est désormais temps pour les responsables politiques des deux côtés de l’Atlantique d’agir de façon responsable« , a plaidé M. Tusk, précisant que le contentieux serait au programme du prochain sommet européen à Bruxelles les 22 et 23 mars. « Il n’y a pas de gagnants dans une guerre commerciale« , a pour sa part affirmé la commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, qui a présenté la stratégie européenne de riposte aux droits de douane de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium annoncés par la Maison Blanche. « Cela nuirait aux relations transatlantiques« , a souligné la Suédoise, insistant sur le fait qu’elle voulait éviter toute « escalade » et qu’elle espérait encore que l’UE serait exemptée.

Maximiser l’impact politique

Sans faire d’annonces concrètes, elle a détaillé les mesures préparée par Bruxelles le cas échéant, à commencer par une liste de produits américains qui pourraient être taxés afin de compenser en valeur le dommage causé à l’industrie européenne. Cette liste encore en discussion comprend « des produits en acier, industriels et agricoles« , et notamment « certains types de bourbon » ainsi que « le beurre de cacahuète, les airelles et le jus d’orange« , a précisé Mme Malmström. La président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker avait déjà révélé que des produits symboliques comme les Harley-Davidson et les Levi’s, ainsi que le bourbon, étaient dans le viseur de Bruxelles. L’idée de l’UE est de maximiser l’impact politique aux États-Unis de ces mesures de rétorsion en ciblant des produits parfois fabriqués dans des États favorables à Donald Trump, tout en minimisant ses effets sur les consommateurs européens.

Ces mesures de rétorsion, conformes aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), rééquilibreraient la perte pour l’UE, évaluée à 2,8 milliards d’euros, et mettraient environ trois mois à être effectives. Dans les faits, la liste ne mentionne pas d’entreprises, mais utilise une nomenclature douanière plus générale (exemple: « pantalons, de travail, de coton, pour hommes »). « Ils peuvent faire ce qu’ils veulent mais, s’ils le font, on mettra alors une grosse taxe de 25% sur leurs voitures et, croyez-moi, ils ne continueront pas à le faire très longtemps« , avait anticipé dès mardi Donald Trump, interrogé sur d’éventuelles contre-mesures européennes.

La chine accusée

Le président américain en a également profité pour confirmer ses intentions, accusant même l’UE de n’avoir « pas bien traité les États-Unis » en matière commerciale. Ce protectionnisme affiché a poussé son principal conseiller économique, Gary Cohn, à claquer la porte de la Maison Blanche. Son secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, a de son côté affirmé mercredi que la décision d’appliquer ces taxes avait été « mûrement réfléchie » mais que les États-Unis ne cherchaient pas une guerre commerciale. Outre des mesures de rétorsion, l’UE peut également mettre en place en quelques semaines des mesures dites de « sauvegarde » pour protéger son industrie, a poursuivi Mme Malmström. Cela consisterait à restreindre temporairement les importations européennes d’acier et d’aluminium pour préserver les deux branches concernées des flux étrangers, comme l’autorise l’OMC. Enfin, Bruxelles déposera si besoin, peut-être avec les autres pays touchés, une plainte devant l’OMC. « C’est une mesure importante, mais ce sera long« , a concédé Mme Malmström. Une telle procédure prend généralement deux ans. Le problème avec l’acier, c’est « la surcapacité mondiale » causée par « des subventions publiques massives« , a-t-elle insisté, sans jamais citer la Chine, premier producteur mondial et accusée de subventionner sa production. Les Européens exportent environ 5 milliards d’euros d’acier et 1 milliard d’euros d’aluminium chaque année vers les États-Unis. Tout en compliquant l’accès au marché américain pour les sidérurgistes européens, les taxes de Donald Trump pourraient détourner vers l’Europe la production étrangère qui ne trouverait plus de débouchés aux États-Unis.
Par Clément Zampa pour AFP

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