Analyse Europacity
Après Europacity, préserver les terres agricoles d’Île-de-France
Après la disparition de cinq millions d’hectares de terres agricoles en 40 ans, la France doit protéger son foncier rural pour se nourrir et lutter contre le réchauffement climatique, soulignent des représentants du secteur agricole, après l’abandon jeudi du projet Europacity.
« Entre 1980 et aujourd’hui, la surface agricole utile (SAU) totale en France, composée de terres à labour, de prairies et de zones de viticulture, a été réduite de 32 à 27 millions d’hectares avec la construction d’aménagements routiers, commerciaux et urbanistiques, ce qui est un gaspillage et une perte énorme » au moment où tout le monde ne parle que d’environnement, a indiqué jeudi à l’AFP Emmanuel Hyest, président des Safer, les associations qui gèrent le foncier rural.
Dans une rare unanimité, le projet immobilier et commercial Europacity couvrant 80 hectares de terres agricoles entre Paris et Roissy, jugé jeudi « daté » et « dépassé » par le président Emmanuel Macron, avait réussi à fédérer contre lui l’ensemble des syndicats agricoles, des associations de défense de l’environnement, et des commerçants concurrents. « L’abandon d’Europacity est une satisfaction car ce projet était un temple de la surconsommation », a réagi auprès de l’AFP Christiane Lambert, la présidente de la FNSEA, premier syndicat agricole, qui estime souhaitable de garder ces « terres fertiles » pour « nourrir le ventre de Paris ».
Pour la Safer, protéger les terres agricoles est un « enjeu de société ». « C’est d’abord un enjeu de sécurité alimentaire », explique M. Hyest, « car l’autonomie alimentaire d’un pays dépend de ses surfaces agricoles ». En bétonnant les terres agricoles, on devient de plus en plus dépendant des importations de produits alimentaires: « Dans un monde difficile, avec des conflits comme actuellement, si les flux d’importation devaient s’arrêter, on risquerait de perdre l’autonomie alimentaire du pays », s’alarme-t-il. Mais la lutte contre l’artificialisation des terres revêt surtout un enjeu climatique important, ajoute le responsable: « Les terres agricoles facilitent la captation de l’eau de pluie et permettent son infiltration, donc le remplissage des nappes phréatiques, alors que l’eau ruisselle sur le béton sans s’infiltrer. » Sans compter la captation du carbone par la photosynthèse des plantes cultivées ou des prairies, un enjeu déterminant de la lutte contre le réchauffement climatique. La Safer suggère donc de « renoncer » à « faire de l’urbanisme » en « développant des zones agricoles en centres commerciaux ».
Contrats de production avec les collectivités locales
« Il faut d’abord éviter que les zones commerciales se concurrencent les unes les autres comme c’était le cas à Europacity, il faut renouveler le bâti commercial ou industriel sur place: si un bâtiment n’est plus d’actualité, on le démonte et on le reconstruit plutôt que d’aller plus loin en construire un autre, il y a déjà beaucoup de collectivités qui fonctionnent comme cela. Et enfin, il faut arrêter de construire des parkings à l’air libre », suggère M. Hyest, qui est aussi élu local en Normandie. Pour Christiane Lambert, « les agriculteurs d’Ile-de-France sont tout à fait capables » de fournir des denrées pour nourrir les Parisiens sur la zone du triangle de Gonesse où était prévu le projet immobilier Europacity.
« Sur ces espaces parfois présentés comme une potentielle ceinture verte autour de Paris, les agriculteurs peuvent signer des contrats de production avec les collectivités locales pour respecter les obligations de production » de 50% de produits locaux et de qualité imposées aux cantines par la récente loi alimentation (Egalim), suggère la responsable.
Au passage, Mme Lambert se dit « tout à fait opposée » aux propositions récentes de la maire de Paris Anne Hidalgo, qui souhaite acheter du foncier autour de la capitale pour faire produire des agriculteurs. « Il est tout à fait possible aux collectivités de passer des contrats longue durée avec des agriculteurs pour des produits bio ou en agriculture raisonnée », propose plutôt Christiane Lambert. « Il vaut mieux encourager les filières de production locale que de soviétiser l’agriculture » et « d’asservir les agriculteurs à la mairie de Paris », a-t-elle lancé: « Nous souhaitons que les terres qui ne seront pas Europacity restent aux agriculteurs ».
La ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne a annoncé lors d’un conseil de défense écologique la création d’un groupe de travail sur l’artificialisation des sols, piloté par le Ministre de la Ville et du Logement Julien Denormandie et la Secrétaire d’État à la Transition écologique Emmanuelle Wargon, travaillant à des propositions concrète pour atteindre l’objectif de « zéro artificialisation nette ».
Par Isabel Malsang pour AFP
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