Ville campagne

Venise, ses vignes sans touristes…

09.05.24

Contrairement à sa grande sœur qui abrite les célèbres artisans verriers à Murano, l’île de Mazzorbo, dans la lagune de Venise, est quasi inconnue du grand public. Et pourtant, elle recèle un trésor génétique : les cépages de la variété dorona (le raisin d’or) qui ont produit au XIVème siècle un vin blanc servi à la table des Doges. Ils font parti de ces cépages qui ont bien failli disparaître si un passionné chanceux n’avait pas récupéré in extrémis quelques pieds.

Ile de Mazzorbo dans la lagune de Venise ©Mattia Mionetto

On arrive bien sûr avec un vaporetto sur le quai de Mazzorbo pour découvrir un long mur en pierre qui abrite un domaine bien modeste de 0,8 ha. Celui-ci a été travaillé depuis une vingtaine d’années par Gianluca Bisol et son fils, celui-là même qui a découvert par hasard cette variété endémique de ceps, la dorona di Venezia. Le hasard fut plus précisément celui d’une promenade dans un jardinet abandonné pas très loin, où trônaient 88 pieds de ce cépage très résistant. Enfin, résistant quand même jusqu’à un certain point limite, lié aux conditions climatiques spécifiques de la lagune avec ses épisodes d’acqua alta, dont un qui défraya la chronique en 1966, et évidemment la salinité de l’eau. Bref, les pieds étaient promis à un joli feu pour un barbecue.
Si ce n’était, à l’image de ces passionnés de cépages oubliés dont Agnès Jarlier nous parlait récemment (ici), une famille Bisol qui n’a pas compté ses heures d’enthousiasmes et de dépit pour sauver cette pièce de patrimoine.

Vignes du Domaine Venissa ©Pierre Hivernat

Et la famille Bisol a fait des petits. Plus loin, sur une autre île tranquille qui était dédiée aux potagers et fournissait les marchés de Venise, un français, Michel Thoulouse, ancienne figure de Canal Plus, s’est installé dans les années 2000 sur l’île de San Erasmo pour remettre au goût du jour des activités vinicoles abandonnées depuis le 17ème siècle.
Reste bien sûr à pérenniser ces aventures en les transformant en modèles économiques viables.
S’agissant du Domaine Venissa, on se doute qu’avec une si petite surface nous sommes en présence de bijoux, guère plus que 3 500 bouteilles de 50cl et il vous faudra débourser autour de 150€ pour acquérir une unité du précieux breuvage.

Bouteille de Venissa bianco

Mais même à ce prix, le modèle économique n’y était pas et la famille Bisol a dû faire appel aux deux jeunes chefs Chiara Pavan et Francesco Brutto pour ouvrir un restaurant, de loin le plus au calme de tout Venise. Au Venissa on est soucieux de tout. Pas de plastique, pas de déchets en trop, des circuits les plus courts possibles avec les légumes du potager qui poussent en plein milieu des vignes, poissons pèche durable, qui ont valu au restaurant une étoile verte, mais aussi une étoile au Guide rouge.

Mais ça ne suffisait encore pas et les jeunes chefs organisent régulièrement des visites commentées des marais pour comprendre l’état de la biodiversité mais aussi les dangers qui guettent ce fragile équilibre écologique qui, à quelques kilomètres de là, subit un sur-tourisme sans cesse plus néfaste.

Venissa, Fondamenta di Santa Caterina, 3, 30142 Venezia, plus d’informations ICI
Domaine Orto di Venezia de Michel Thoulouse, plus d’informations ICI

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