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Mieux manger et moins gaspiller, en prison aussi

28.02.15

Du pain fait maison aux brebis estampillées administration pénitentiaire, les initiatives se multiplient en détention pour modifier l’approche de l’alimentation, favoriser les projets locaux et la lutte contre le gaspillage avec souvent, à l’esprit, la réinsertion.

Vendredi, l’administration pénitentiaire (AP) a fait un passage au salon de l’Agriculture. Trois prix ont été remis à des établissements dans le cadre du programme national pour l’alimentation (PNA). Favoriser l’éducation alimentaire, améliorer la qualité de l’alimentation, développer les circuits courts, lutter contre le gaspillage, les problématiques du PNA deviennent celles de plus en plus d’établissements pénitentiaires qui « sont mobilisés sur cette question », assure Isabelle Bianquis, chargée de mission à la direction de l’administration pénitentiaire. Ce travail intéresse d’autant plus l’AP qu’il porte sur des « sujets de citoyenneté » qui contribuent à sortir le détenu de sa condition de prisonnier, en prévision de sa sortie et de sa réinsertion, selon Mme Bianquis.

Un four à pain
Une convention-cadre devrait être signée dans les prochains mois entre le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, et la ministre de la Justice, Christiane Taubira, pour renforcer la collaboration sur tous ces axes, en y ajoutant la formation aux métiers de l’agriculture. Parmi les trois projets primés vendredi, figure la boulangerie de la maison centrale de Poissy (Yvelines), réservée aux longues peines. Le prix (le projet demandait 40.000 euros au PNA) doit ainsi permettre de financer l’achat d’un pétrin et d’un four, d’une valeur totale de 70 à 80.000 euros, explique François Goetz, le directeur de l’établissement. En septembre, démarrera l’activité boulangerie à la maison centrale avec une partie production et une autre consacrée à la formation. En production, trois à quatre détenus assisteront un boulanger de métier, rémunéré « avec l’argent qu’on dépensait jusqu’ici pour acheter le pain à l’extérieur » qui, de l’aveu du chef d’établissement, est « moyen » en qualité. Baguette tradition, pain de mie, viennoiseries, la boulangerie de Poissy alimentera les détenus mais aussi le mess, fréquenté par les surveillants mais aussi des personnels administratifs extérieurs à la maison centrale.

Cours de cuisine
Le projet a été inspiré par d’autres établissements, notamment le centre de détention de Réau (Seine-et-Marne), qui préparent déjà leur propre pain, mais en passant par un opérateur privé quand Poissy gèrera seule la boulangerie. Parallèlement, douze détenus suivront, une fois par an, une formation classique de six mois au CAP boulanger. Formation et pédagogie sont également au coeur d’un autre des trois projets primés vendredi, celui de la maison d’arrêt de Strasbourg, qui évoque l’alimentation sous plusieurs angles. L’établissement met en place des cours de cuisine pour les détenus afin de leur permettre de réaliser eux-mêmes des plats en cellule avec les denrées et le matériel dont ils peuvent disposer. Seront tirés de ces ateliers un livre de recettes en détention et des vidéos, diffusées sur le canal interne de la prison pour permettre de sensibiliser et d’informer les détenus qui n’auront pas suivis les cours. « On part du postulat que les prisonniers qui participent aux ateliers seront moins enclins à gaspiller« , professe Serge Hygen, chargé de projet d’Eco-Conseil, une association qui participe au projet.

Ruches et poules en prison
Les projets grouillent, décrit Mme Bianquis. Ruches et poules s’implantent dans un nombre croissant d’établissements, à l’instar de l’élan en faveur de la production locale qui traverse toute la France. Porte de Versailles, les lauréats ont même croisé des brebis estampillées administration pénitentiaire. Elles viennent du centre de détention de Casabianda, en Corse, qui abrite une authentique exploitation agricole. Avec ses 900 brebis de race corse et ses 180.000 litres de lait produits par an, selon Valérie Dodelin, responsable d’atelier et ingénieur agronome, Casabianda est un cas à part dans le paysage pénitentiaire. Le plus souvent en prison, il faut composer dans un environnement incomparablement plus contraint que les 1.480 hectares du centre de détention corse, mais les voies d’amélioration existent.

Par Thomas URBAIN

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