Ville campagne Initiatives +
En Auvergne, une épicerie citoyenne face à la désertification
Infirmière, enseignant ou retraité: à tour de rôle, des habitants se relaient dans la dernière épicerie du centre de Sauxillanges (Puy-de-Dôme), pour empêcher la désertification du bourg. Après nos trois reportages sur l’Auvergne au centre, voici donc un quatrième épisode.
Dans de nombreuses zones rurales, la survie des derniers commerces sera l’un des enjeux des prochaines élections municipales. A Sauxillanges, l’aventure a commencé dès 2016: le « 8 à Huit », unique épicerie du centre, ferme, comme avant elle, la pharmacie puis le fleuriste. Comme souvent, le propriétaire souhaite ouvrir à la place une moyenne surface à l’entrée du village de 1.250 habitants. Face à la mort inévitable du centre, une dizaine d’entre eux, la plupart engagés dans l’Amap locale (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) décident de reprendre la boutique.
Avec le soutien du maire Vincent Challet, l’Alternateur ouvre en septembre 2017. « L’avenir des commerces en milieu rural, c’est une inquiétude partagée par de nombreux élus, car les gens ne souhaitent plus vivre dans le centre et préfèrent s’installer à l’extérieur« , explique l’édile de 54 ans qui se représente en mars. « L’Alternateur fait partie de ces pratiques alternatives, écologiques, qui proposent quelque chose de différent et de local« . « C’est un changement de société » et « c’est là que se dessine notre avenir », assure-t-il, évoquant aussi la savonnerie artisanale et la boulangerie bio, qui a récemment ouvert.
Maxime Escot, 39 ans, est un client régulier. Il habite Issoire – ville la plus proche située à 13 kilomètres- mais vient ici « chercher des produits bio, l’absence d’intermédiaires, une économie différente, qu’on aimerait trouver un peu plus ailleurs« . Et surtout, il juge « la démarche intéressante » car « cela donne de la vie au village« . « Ça fonctionne très bien » et « l’idée, c’est d’encourager cette vie de village« . Même approche pour Jacky Chabrol, à la fois client et bénévole: « cela a aussi une influence sur les autres commerces. Quand je viens, j’en profite pour faire mes autres courses à la librairie, à la Poste, à la charcuterie. »
Ne pas concurrencer les autres commerces du village
Dans la devanture modeste, des potirons, des courges et des noix rangées dans un panier, côtoient les guirlandes et décorations de fêtes encore en place en ce début janvier. A l’intérieur, Agathe Sartre, 75 ans, pull orange, tablier beige, yeux rieurs derrière ses lunettes, accueille les clients avec un large sourire. Guide touristique à l’étranger pendant plusieurs années, installée à Sauxillanges depuis sept ans, elle se transforme désormais en épicière plusieurs heures par semaine. « Nous sommes tous bénévoles. Chaque mois nous nous inscrivons sur le planning. L’épicerie a besoin de quatre personnes par jour; c’est une grosse organisation« , explique-t-elle. Devant elle, un panneau avec les jours du mois, où sont glissées les fiches-prénoms de la soixantaine de bénévoles inscrits à la demi-journée, selon leurs disponibilités. Ce fonctionnement leur permet d’ouvrir du lundi au dimanche.
Au milieu de l’épicerie, les fruits et légumes jouxtent les banques frigorifiques des produits frais. Tout autour, sur les rayons, sont rangés le sucre, la farine, l’huile, les produits ménagers, les conserves, le miel: au total, plus de 500 références. Un seul impératif: ne pas concurrencer les autres commerces du village, dont une boucherie, une charcuterie, trois boulangeries et une librairie-presse. Beaucoup de produits sont issus de l’agriculture biologique ou de producteurs en conversion. « Nous essayons de vendre un maximum de local et de vrac« , précise Agathe.
Des étiquettes indiquent la distance parcourue par la marchandise: 10 kilomètres, 50 kilomètres ou plus de 50 kilomètres. « Dans Alternateur, il y a terre et alternative« , glisse la pétillante retraitée. Ce matin, c’est jour de livraison. Le livreur dépose une palette de cartons dans la rue: les bénévoles présents, Mady, Line, Louis et Agathe, transportent les produits dans une petite salle attenante où l’association a acquis une chambre froide grâce à ses premiers bénéfices. Car depuis l’ouverture, le succès est au rendez-vous: « le chiffre d’affaires monte et nous aimerions trouver un local plus grand« , affirme même Mady Romero, bénévole de 75 ans.
Par Céline Castella pour AFP
Partagez moi !
Vous pourriez aussi être intéressé par
Ville campagne Épisode 1/6
Paysan(ne), un métier d'avenir ? Pas vraiment ...
Ville campagne
La Ferme des croquants, enthousiasmant !
Ville campagne L'anniversaire