La science se cherche Santé

L’abus d’aliments ultratransformés augmenterait-il les risques de cancer ?

16.02.18

Une étude scientifique réalisée en France a établi que « la consommation d’aliments ultra-transformés est associée avec un risque global plus élevé de cancer ». « Il n’y a jamais eu d’étude scientifique qui a démontré » le fait que la nourriture transformée serait plus nocive que la nourriture naturelle, a assuré au contraire Catherine Chapalain, directrice générale de l’Ania, au micro de RTL.

Ceux qui abusent des plats industriels augmentent leur risque d’être atteint d’un cancer, selon une étude auprès de 105.000 personnes en France, qui formule des hypothèses sur l’origine du danger. « Le lien de cause à effet reste à démontrer », a précisé jeudi l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, qui a financé l’étude avec d’autres institutions publiques françaises. Mais la corrélation est établie.

Une brioche industrielle, une pizza surgelée, une salade composée… De 2009 à 2017, les participants à l’étude NutriNet-Santé ont périodiquement rempli des questionnaires en ligne sur ce qu’ils mangeaient. Les chercheurs, qui publient leur étude dans le British Medical Journal (BMJ), se sont intéressés à ce qu’ils appellent les « aliments ultratransformés ». D’après eux, ceux-ci « contiennent souvent des quantités plus élevées en lipides, lipides saturés, sucres et sels ajoutés, ainsi qu’une plus faible densité en fibres et vitamines ». Ils citent pains, sucreries, desserts, céréales, boissons sucrées, viandes transformées (boulettes, nuggets, jambon avec additifs, etc.), pâtes et soupes instantanées, plats surgelés ou en barquette, etc.

À quel point ces produits qui peuplent nos supermarchés et garde-mangers sont-ils dangereux ? « Une augmentation de 10% de la proportion d’aliments ultratransformés dans le régime alimentaire s’est révélée être associée à une augmentation de plus de 10% des risques de développer un cancer (…) et un cancer du sein en particulier », résume l’Inserm. Pour le cancer, ce risque est accru de 6 à 18%, et pour le cancer du sein spécifiquement, de 2 à 22%. Les « graisses et sauces ultratransformées et les produits et boissons sucrées » étaient en cause globalement, et pour le cancer du sein, les chercheurs accusaient « les produits sucrés ultratransformés ».

Étude « scientifique »?

Reste une énigme : qu’est-ce qui provoque ces cancers ? Les scientifiques ont fait état de 2.228 cas, dont 108 mortels et 739 du sein, sur la période et la population étudiées. Les « hypothèses » des chercheurs les portent vers « la qualité nutritionnelle généralement plus faible » de ces produits, trop gras, trop caloriques et/ou trop salés, et « la vaste gamme d’additifs » qu’ils contiennent. Par ailleurs, « la transformation des aliments et en particulier leur cuisson produisent des contaminants nouvellement formés », et leur emballage plastique peut contenir du bisphénol A, un perturbateur endocrinien, s’inquiètent-ils. Dans un éditorial, le BMJ souligne que l’étude ne propose qu’une première observation, qui « mérite une exploration attentive et plus poussée ». D’autres facteurs peuvent entrer en jeu, selon la revue, car « par exemple, le tabagisme et une activité physique faible étaient bien plus répandus chez les participants qui consommaient une plus grande proportion d’aliments ultratransformés ». Ce terme même reste « peu utilisé par les scientifiques de la nutrition », a relevé un professeur en diététique du King’s College de Londres, Tom Sanders. Cité par Science Media Centre, il estime que « cette classification semble arbitraire et fondée sur le postulat que les aliments traités industriellement ont une composition nutritionnelle et chimique différente de ceux produits à la maison ou par des artisans. Ce n’est pas le cas ».

Pour Catherine Chapalain, directrice générale de l’Ania « Cette étude n’est pas une étude scientifique, mais c’est une première observation qu’il faudra certainement creuser, à partir d’un questionnaire qui est diffusé sur internet sur la base du déclaratif. D’ailleurs, des réserves ont été apportées tout de suite par des scientifiques, par les auteurs de cette étude, mais aussi par le journal scientifique qui l’a publié« , a-t-elle déclaré. « La première réserve est la définition des produits transformés ou ultra-transformés« , car selon Mme Chapalain, « le principe de la cuisine, c’est quand même la transformation des aliments« . « Ce n’est pas du tout démontré dans l’étude qu’il y a un problème avec les additifs« , a-t-elle ajouté. « Manger des aliments transformés ne nous donne pas le cancer. Le lien de causalité n’est pas démontré entre la consommation d’aliments transformés et la maladie et certains scientifiques ont mis en avant le fait qu’il s’agit d’une simple extrapolation et qu’on n’a pas pris en compte des facteurs de risques qui sont avérés comme le tabagisme et la sédentarité« , a indiqué la directrice générale de l’Ania. Pour Mme Chapalain, « s’intéresser à son alimentation, c’est aussi lire les étiquettes« , même si « lire les étiquettes est compliqué. Je reconnais que ce n’est pas toujours simple, il faudrait sans doute travailler sur une simplification de l’étiquetage. » Ça tombe bien Ferme France y a pensé, voir ici.

Par Hugues Honoré pour AFP

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