Christian Qui n’est pas un nom de scène. C’est celui du chef de SushiQui, un homme tout en finesse. Il est cuisinier, mais il a aussi été paysagiste. Si vous pensez aller chez lui pour manger des sushis, c’est qu’il vous a induit en erreur avec son enseigne. Chez lui, et la nuance est de taille, on mange surtout des paysages marins agencés avec l’art du sushi.
Les plats sont simples et ciselés, le poisson y est mis en scène simplement, mais radicalement. Rien, dans son restaurant installé dans une rue un peu perdue de Marseille, n’est vraiment prévisible. Il y a une table, une seule et c’est un peu comme si vous alliez chez un ami. Il y a un bar, un seul, juste assez grand pour abriter trois couverts et où, une fois assis, on discute avec lui qui cuisine de l’autre côté. Il y a un cuisinier, un seul, lui. Il faut donc laisser sa hâte sur le pas de la porte et s’accommoder du temps qui s’étire. Il ne faut pas non plus se dire absolument que l’on va manger car parfois on ne mange pas non plus. Parce que tous les poissons qu’il sert, Christaian va les chercher le matin auprès des petits pêcheurs sur le Vieux Port. « Mais si la pêche est mauvaise, si le temps est mauvais, il n’y a pas de poissons, et donc je ne peux rien cuisiner » nous explique-t-il. Le temps est une donnée implacable.
Christian Qui nous explique qu’il a quitté son métier de paysagiste car à un moment, « on s’aperçoit qu’on ne peut pas changer le monde et qu’il faut mener ses combats ailleurs ». La cuisine lui semble être le bon champ de bataille. Il s’y engage. Avec d’Elisabeth Tempier, de l’Encre de mer, il s’intéresse à l’organisation des artisans pêcheurs et avec Slow fish, il défend une pêche artisanale et durable. Elevé dans les arts martiaux, l’homme est posé, d’un calme olympien et l’on sent combien sa pratique de cuisinier est ancrée dans une philosophie de vie. Dans les plats qu’il propose, on trouve des poissons disparus, comme la palamide. Christian nous précise « enfin beaucoup disent disparus, mais pas vraiment, du moins pas pour tous. Ce sont plutôt des poissons qu’on ne trouve pas souvent aux cartes des restaurants car ici, à Marseille, c’est un poisson que beaucoup de gens cuisinent. Il n’est pas très cher. »
Aujourd’hui, la cuisine minuscule de SushiQui est devenue un peu étroite pour développer son art. Il a soif d’ailleurs, de projets qui lui permettraient de mettre en scène autrement la mer et ses habitants. Alors momentanément il la transforme en laboratoire pour imaginer Ghost Fish, un événement où il relie son imaginaire aux cultes magiques de Mamiwata, ou à ceux de la bonite. « Je suis parti en mer avec un ami photographe à la rencontre des pêcheurs de la côté bleue, des îles du Frioul… » Pour mieux faire résonner le monde de la mer, il associe à son projet des musiciens et une danseuse. Lui, imagine pour accueillir ses plats, des plateaux en bois découpés aux formes des contours des fonds marins des îles Ratonneau et Pomègues, deux îles de l’archipel du Frioul. On ne sait pas très bien ce que cela va donner, mais un cuisinier qui élargit ses univers, ça intrigue et ça s’observe. Quand on l’interroge sur demain, il nous dit qu’il ne sait pas bien si SushiQui restera un restaurant ou un laboratoire de création. Il aimerait rencontrer différemment ses convives, imaginer des repas avec d’autres vues et déplacer un peu son restaurant.
Restaurant Sushiqui 31, rue Goudard - 13005 Marseille tél : +33 6 80 92 98 65
Image Ryo Takemasa
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