Le Vent Divin, Le Mutant, Le Petit Prince, Le Toune, Ahaldena, Le Roi Carotte, l’Accalmie, Crésus, Gavroche, Tétris… Il y a ceux qui friment et qui en imposent, ceux qui font peur et ceux qui amusent, ceux qui rassurent et ceux qui attendrissent. Il en va des noms de bateaux comme de ceux de nos rejetons ; ils sont à l’image de ce que nous sommes ou de ce que nous aimerions être.
En la matière, l’imagination humaine est féconde. Et les marins-pêcheurs n’en sont pas moins dotés que les autres, pourvu que ces noms sortis de leur imaginaire racontent un peu d’eux-mêmes. Il suffit de regarder et d’écouter : l’ancien propriétaire du Crésus exhibe chaîne en or et montre coûteuse. De là à penser qu’il est aussi riche que le nom de son ex-bateau. Le propriétaire du RED, explique en riant que ce n’est pas vraiment pour sa couleur rouge qu’il a nommé ainsi son nouveau bateau mais en clin d’œil à un film éponyme, plutôt médiocre, RED pour « Retraités Extrêmement Dangereux » !
La vente « au cul » des bateaux
Si l’on remarque autant les noms des bateaux de pêche de Capbreton, ce n’est pas parce qu’ils sont plus grands, plus nombreux ou plus beaux qu’ailleurs, non. C’est parce que leurs noms s’étalent en grandes lettres sur le quai, juste en face de la Capitainerie : un parfait alignement de 19 stands exhibe fièrement ces 19 noms de bateau de pêche. À chaque nom de bateau correspond une table de vente. Car à Capbreton, il est une tradition exceptionnelle dans la région : la vente « au cul » des bateaux. Un système de vente directe, sans intermédiaire, très en vogue depuis le retour en grâce des « circuits courts » mais qui ici ne date pas d’hier… La vente « à la table » est en effet un privilège datant du XVIIème siècle et d’un décret de Colbert, ministre de Louis XIV, qui autorisa les pêcheurs à vendre directement sans passer par une criée. Une aubaine pour le petit port de pêche de Capbreton.
« Si nous n’avions pas ce système de vente directe, certains petits bateaux n’existeraient plus. Le poisson se vend parfois 4 à 5 fois moins cher à la criée » précise Patrick Lafargue, ancien-marin pêcheur et aujourd’hui Président du Comité Régional des Pêches Maritimes. À la belle saison touristique, lorsque la petite ville côtière passe d’un peu moins de 7 000 habitants à 60 000, les étals sont pris d’assaut par une clientèle friande de poissons frais. Il est aussi des jours plus calmes où ne vendent que quelques-uns des 19 navires selon qu’ils sont sortis ou rentrés de leur campagne en mer. Des campagnes qui peuvent durer d’une journée à 10 jours.
Poisson frais garanti
Ici ne se vend donc que ce qui se pêche le long des côtes et dans le golf de Gascogne, en fonction des saisons et de ce que l’océan a bien voulu offrir : calamars, rougets, soles, merluchons, bars, lottes, saint-pierres, raies, merlus, limandes, crabes, rascasses… . Selon les techniques de pêche qu’ils utilisent, les 19 équipages ne ramènent pas tous la même chose. La majorité sont des fileyeurs qui pratiquent la pêche au filet fixe ou dérivant ; la hauteur et la taille des mailles du filet dépendant des espèces recherchées, merlus, soles, bars, rougets barbets ou maigres. Certains utilisent aussi la bolinche, ou senne tournante, un type de filet qui permet d’encercler les bancs de poissons, une technique particulièrement adaptée pour les anchois, sardines ou thons.
Le port compte par ailleurs quelques chalutiers comme le Roi Carotte ou le Grand Celte et quelques adeptes de la pêche à la ligne ou à la canne (pour le thon rouge). Tous les amateurs de poisson vous le diront, ces deux dernières techniques garantissent le poisson le plus beau et le plus frais. Ce sont généralement les filles ou femmes de pêcheurs qui vendent, parfois les fils, s’ils ne sont pas devenus matelots aux côtés de leur père. Même si la concurrence entre pêcheurs est rude, l’ambiance est souvent bon enfant : ils savent qu’ils vendront l’essentiel de leur pêche à un bon prix et que le surplus sera de toute manière collecté pour être vendu à la Criée de Saint-Jean-de-Luz / Ciboure.
Partir en mer
Si on est là au bon moment, on peut regarder les marins-pêcheurs arriver au port, décharger le produit de leur campagne de pêche et pourquoi pas discuter avec eux. Depuis peu, on peut aussi partir en mer et observer la vie de marin-pêcheur le temps d’une journée, forcément très matinale. Quelques bateaux le proposent sous le label « pescatourisme ». Une occasion de connaître l’histoire qui se cache derrière les noms des bateaux qui s’alignent, têtus et imperturbables, en grandes lettres blanches sur fond bleu marine, à quelques encablures de la capitainerie.
Le marché aux poissons de Capbreton Avenue Georges Pompidou 40130 Capbreton
Un article produit dans le cadre de l’application Adresses Gourmandes.
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