En continu Négociations commerciales
La zizanie persiste entre agroalimentaire et distributeurs
Les industriels de l’agroalimentaire ont affirmé que « rien n’avait changé » dans les négociations annuelles avec la grande distribution, qui a assuré pour sa part que ces discussions se déroulaient « globalement mieux« , avant un point d’étape mercredi à Bercy sur l’application d’une loi censée pacifier le processus.
« La réalité (…) cette année s’avère aussi terrible que les années précédentes: demandes de baisses de prix systématiques de la grande distribution à l’encontre des entreprises alimentaires, pressions, chantage, menaces de sorties de rayons pour vos produits si vous n’acceptez pas les conditions imposées… et déjà le signalement de premiers contournements de la loi qui vient tout juste d’être mise en application! », dénonce l’Association nationale des industries alimentaires (Ania), dans un communiqué. « Ce constat inquiétant sera partagé dès aujourd’hui lors du Comité de suivi des relations commerciales organisé par Bruno Le Maire, ministre de l’Economie et des Finances et Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation« , assure l’Ania. Une exception de taille, toutefois, le lait, qui a suscité la signature de nombreux accords entre distributeurs et industriels, confirmant les propos du ministre de l’Agriculture Didier Guillaume. Il estimait lundi que pour les produits lactés, « ça avait commencé à fonctionner« . Pas plus tard que mercredi, Carrefour et Système U ont d’ailleurs annoncé la conclusion de quatre accords avec les géants laitiers Lactalis, Sodiaal, Yoplait et Laïta « visant à revaloriser les prix du lait« . Mais ces avancées spectaculaires, qualifiées d' »historiques » par Richard Panquiault, directeur général de l’Ilec (grandes marques), ne doivent pas être « l’arbre qui cache la forêt« , a-t-il averti. « Parce que nul n’est au-dessus des lois, nous appelons les pouvoirs publics à faire respecter la loi Egalim (États généraux de l’Alimentation, NDLR) et à sanctionner durement les infractions et contournements abusifs », a d’ailleurs insisté l’Ania.
Pas de visibilité à 15 jours de la fin des négociations
Son constat s’appuie sur un Observatoire des négociations commerciales synthétisant « les retours de plus de 450 entreprises alimentaires de toutes tailles (95% de PME-ETI) et de tous secteurs ». Selon cet observatoire, 96% des entreprises sondées estiment que la situation avec leurs clients de la grande distribution n’est pas meilleure, voire s’est dégradée, par rapport à l’an passé, et près de la moitié des entreprises n’ont toujours pas de visibilité sur leurs plans d’affaires 2019, à seulement 15 jours de la fin des négociations. Par ailleurs, 72% des répondants estiment que « les distributeurs ne respectent que partiellement, voire très peu, les dispositions de l’ordonnance sur l’encadrement des promotions », pilier de la loi Alimentation.
Cette loi doit redonner du revenu aux agriculteurs. Une première ordonnance publiée en décembre impose à la grande distribution que les produits issus de l’agriculture soient vendus au moins 10% de plus qu’ils n’ont été achetés, pour que leurs coûts de distribution soient pris en compte et qu’ils ne soient plus vendus à perte. Elle prévoit également des mesures pour encadrer les promotions. Les agriculteurs attendent également la publication d’une deuxième ordonnance qui doit établir le niveau des prix « abusivement bas ». Lors d’une table ronde au Sénat dans la matinée, le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) Jacques Creyssel a assuré pour sa part que « globalement, les choses se passaient mieux que les années précédentes« .
Le Groupe Bigard peu transparent
En revanche, il n’est pas question de déflation, a-t-il annoncé, parlant plutôt de « demandes d’augmentation de tarifs de +4% en moyenne« , avec notamment « des hausses complètement déconnectées des matières premières« . Néanmoins, un certain nombre de contrats ont déjà été signés, a-t-il précisé: « entre 15 et 40% de contrats avec les PME, et entre 20 et 30% pour les grandes marques nationales« .
Thierry Cotillard, le président d’Intermarché, a quant à lui souligné avoir « vu une vraie différence par rapport à l’année dernière, avec des industriels qui ont joué le jeu de la transparence« , un constat notamment formulé à l’égard des industriels laitiers. « Pour ce qui concerne la viande, le marché est aux mains d’un gros industriel qui représente 60% et qui lui n’est pas transparent et nous dit qu’il fera ce qu’il voudra, donc ça va être plus compliqué d’aller vers la contractualisation« , a-t-il en revanche ajouté, visant, sans le nommer, le groupe Bigard.
Par Emmanuelle Trecolle et Laure Brumont pour AFP
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